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contrainte, croyait-on, le mettait plus à l’aise pour approfondir ses idées, comme aussi pour en colorer jusqu’aux moindres détails des nuances les plus variées de sa fantaisie personnelle. Si bien que, d’abord, entre les années 1720 et 1740, plusieurs modèles différens de sonate avaient été ébauchés : mais bientôt, insensiblement, une « sélection » s’était faite entre eux ; et maintenant, l’heure où le petit Mozart s’apprêtait à écrire sa première sonate, il ne restait plus guère, de par le monde, que deux types de sonate, très nettement distincts l’un de l’autre, et tous deux renforcés déjà par un long usage. Et encore que, à une époque aussi profondément cosmopolite que l’était le milieu du XVIIIe siècle, chacun de ces deux types trouvât des représentans d’éminente valeur dans les divers pays de l’Europe, on peut cependant, sans craindre de tomber dans un excès de généralisation, appeler l’un d’eux le type italien, et réserver pour l’autre le nom de type allemand.


La sonate « italienne » avait, dans son ensemble, un caractère plus libre, mais aussi plus léger, et avec une signification expressive presque toujours plus superficielle. Au gré de l’auteur, elle pouvait être faite d’un, de deux, ou de trois morceaux ; et aucune loi, non plus, ne réglait l’ordre des divers morceaux. Au contraire, l’usage étant alors de publier les sonates par recueils de six, les musiciens italiens ou italianisans tâchaient à varier autant que possible la physionomie des sonates d’un même recueil. Le mouvement lent tantôt précédait l’allegro et tantôt le suivait, ou bien encore manquait entièrement ; et, parfois, il n’était qu’un court prélude, tandis que, d’autres fois, c’était sur lui que portait l’effort principal du compositeur. Pourtant une tradition avait fini par s’établir au sujet du final : surtout dans les sonates en trois morceaux, on aimait que le final fût simplement une manière de coda rapide et gaie, un aimable divertissement après les émotions plus sérieuses des morceaux précédées ; et volontiers on lui donnait la forme d’une danse, gigue, menuet, parfois déjà un petit rondo.

Tout autre était la disposition extérieure de la sonate rivale, plus particulièrement cultivée par des maîtres allemands. Celle-là avait invariablement trois morceaux, et se suivant dans un ordre fixe, et ayant tous les trois, pour ainsi dire, la même valeur musicale, au double point de vue de leur signification intime et