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aussi le premier violon. Nous en fîmes l’essai, par plaisanterie, et nous faillîmes mourir de rire, à le voir jouer sa partie avec une foule de mauvaises positions et de maladresses, mais, tout de même, sans rester une seule fois à court jusqu’au bout du morceau.


Les progrès de l’enfant furent en tout cas si rapides, durant les mois qui suivirent son retour de Vienne, que, dans une séance chez l’électeur de Bavière, le 13 juillet de la même année, il se trouvait déjà en état d’exécuter « un concerto de violon. » Mais c’était toujours le clavecin qui formait sa principale étude, une étude qui, maintenant, l’absorbait du matin au soir, sans lui laisser le moindre loisir pour s’amuser à des jeux de son âge, ni non plus, comme je l’ai dit, pour s’occuper de composition. Car l’insuccès matériel du voyage de Vienne, loin, de décourager Léopold Mozart, n’avait fait que stimuler son goût d’aventures. L’excellent homme ne rêvait plus qu’aux moyens de repartir de Salzbourg le plus tôt possible, pour aller tenter la fortune sur d’autres scènes : à Versailles et à Paris, où s’édifiaient les réputations, à Londres, où de fabuleux milords dépensaient leurs millions à protéger les artistes. Sa nomination même à l’emploi de second maître de chapelle, qui venait d’être signée en février 1763, n’avait pas ralenti un seul instant son impatience de se remettre en route. Négligeant son service à la cathédrale, — lui, naguère encore le plus ponctuel et le plus zélé de tous les membres de la chapelle archiépiscopale, — il courait la ville, se prodiguait en démarches et en préparatifs, avec la certitude que l’heureuse combinaison du génie musical de ses enfans et de sa propre ingéniosité pratique ne pouvait manquer de réussir assez brillamment pour le dispenser, au retour, d’avoir encore à se soucier de la faveur de son souverain. Et ainsi s’écoulèrent cinq mois activement remplis, après lesquels, dans la matinée du 9 juin 1763, toute la famille quitta Salzbourg pour la troisième fois.


Ce départ ouvre une période nouvelle dans la vie de Mozart. A l’enfant prodige va d’abord s’ajouter, puis se substituer tout à fait, le compositeur. Chaque jour, à présent, le petit va apprendre à connaître des hommes, des œuvres, qui, derrière les routines inanimées de son père, lui révéleront un monde vivant de musique qu’il ne soupçonnait pas ; et, dans ce monde, il va lui-même se plonger tout entier, avec la fièvre constante de