Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

apparence a l’habit de Woferl ? Il est du drap le plus fin, couleur lilas ; la veste de moire, même couleur ; habit et veste avec une double rangée de gros boutons d’or. Ce costume a été fait pour l’archiduc Maximilien. Et Nannerl, sa robe était une robe de cour de l’une des archiduchesses. Elle est en taffetas blanc broché, avec toute sorte de belles garnitures. »

Mais, au reste, nous n’avons pas besoin de cette description pour connaître l’ancien habit de gala de l’archiduc Maximilien. En effet, — puisque, aussi bien, ce costume constituait le plus clair bénéfice du voyage de Vienne, — Léopold Mozart, sitôt rentré à Salzbourg, s’est empressé de le faire peindre. Et ainsi, du même coup, le cadeau impérial nous a valu le premier portrait que nous ayons de l’auteur de Don Juan[1]. Hélas ! un bien mauvais portrait, et où l’on devine tout de suite que le peintre a eu pour principal objet de reproduire fidèlement, respectueusement, l’habit lilas du modèle avec son galon et ses boutons d’or, la fine dentelle de son jabot, et la garde de nacre de sa petite épée. Le reste, c’est-à-dire le visage, les mains, ne sont là que par surcroît, traités à la hâte comme des accessoires : sans compter qu’il diffère tellement, ce laid et grossier visage, de celui que vont nous montrer bientôt d’excellens portraits (peints par Carmontelle à Paris, par Zoffany à Londres, par Van der Smissen à La Haye), que nous n’avons pas le droit de nous représenter, d’après lui, l’apparence extérieure de Mozart enfant. Non que celui-ci n’ait dû être alors assez laid, avec une grosse tête ronde sur un corps tout menu : ce n’est guère que six ou sept ans plus tard, à l’époque de son séjour en Italie, que, le visage s’étant affiné et les membres enfin un peu détendus, l’ensemble de sa figure a cessé d’avoir l’aspect souffreteux et malingre qui nous frappe dans tous les portraits exécutés jusque-là ; mais, dans ce portrait de Salzbourg, la laideur est d’espèce si vulgaire, si banale, si insignifiante, que la faute en revient certainement à la médiocrité d’âme ou à la maladresse du peintre autant et davantage qu’aux traits mêmes du modèle. Seuls les yeux sont bien les yeux de Mozart ; nous les retrouverons absolument pareils dans tous les portraits, dans ceux de l’enfant, de l’adolescent, et de

  1. Car il n’est guère possible de prendre au sérieux un méchant dessin ovale qui a autrefois fait partie de la collection Bamberg, à Messine. A supposer même que ce dessin représentât le petit Mozart, il nous apprendrait seulement que l’enfant jouait du clavecin, ce que nous ne sommes pas sans savoir déjà.