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qu’était son collègue J. E. Eberlin. Puis, lorsque, en 1762, à la mort d’Eberlin, Michel Haydn est venu se fixer à Salzbourg, peu s’en est fallu que Léopold Mozart n’empêchât encore Wolfgang d’entrer en contact avec lui : ce n’est que plus de dix ans après, en 1773, que Mozart a pu enfin approcher ce maître de génie, un des plus grands de son siècle, et celui de tous qui, depuis lors, a exercé sur lui la plus profonde action. Oui, assurément, pour salutaire qu’ait été en fin de compte l’éducation musicale qu’a reçue Mozart dans la maison paternelle, cette éducation n’aurait pas eu à beaucoup près d’aussi heureux effets si, dès le début, l’instinct miraculeux de l’élève ne l’avait prémuni contre une bonne moitié des leçons et des exemples de « on professeur.


Mais il est temps que j’arrive au récit du voyage de Vienne. Et puisque ce voyage ne nous est guère connu que par la série des lettres de Léopold Mozart à Hagenauer, je ne saurais mieux faire que de traduire, simplement, les deux premières lettres de la série. Elles suffiront à évoquer devant nous l’image toute vive du petit garçon, tel qu’il était aux environs de sa septième année : gai, familier, toujours prêt à se figurer la vie entière comme un jeu aussi simple et charmant que cette musique dont il n’y avait pas un des secrets que, d’emblée, il ne devinât. La première lettre était datée de Linz, le 3 octobre 1762, quinze jours après que la famille Mozart s’était mise en route :


Vous nous croyiez sans doute déjà arrivés à Vienne, n’est-ce pas ? Mais non, nous ne sommes encore qu’à Linz : et c’est demain seulement que nous comptons partir d’ici, avec l’aide de Dieu… À Vienne, nous y serions déjà depuis longtemps si nous n’avions pas été contraints de perdre cinq journées entières à Passau : et cela par la faute de l’évêque du lieu. Ce retard me coûte à peu près quatre-vingts florins, car sûrement j’aurais récolté cette somme à Linz si j’avais pu y arriver plus tôt, tandis qu’à présent je dois me contenter des quarante florins qui me restent du concert donné ici avant-hier. Il est vrai que Wolfgang a eu, en revanche, l’honneur de se produire en présence du prince-évêque susmentionné : ce pour quoi il a obtenu tout un ducat !

Arrivés à Passau le 20 septembre, nous en sommes repartis le 26, en compagnie du chanoine comte Herberstein. Les enfants sont très gais, et partout comme chez eux. Le gamin est si expansif avec tout le monde, surtout avec les officiers, qu’on croirait qu’il les a connus toute sa vie. Les enfans font d’ailleurs l’émerveillement général, notamment le petit.

Le comte Herberstein et le comte Schlick, le gouverneur d’ici, sont