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desiderata des équipages en acceptant le « cahier de revendications » qu’ils avaient composé pour une nouvelle réglementation du travail à bord. Cette sommation et le ton sur lequel elle fut adressée ne fut pas du goût de la Compagnie, qui consentait bien à négocier avec les hommes de ses équipages, mais non à recevoir les ordres d’un syndicat. Sur sa réponse négative, la Compagnie fut mise à l’index, et, le 17 août, l’équipage du Maréchal-Bugeaud débarqua « d’une façon irrégulière. » Les dockers, pour soutenir les inscrits, refusèrent de débarquer des marchandises et les charbonniers d’embarquer du charbon. A mesure que les navires rentraient dans le port, les matelots demandaient leur débarquement. C’est alors que le syndicat des armateurs fit une déclaration dont voici les principaux passages :


Depuis deux années, l’industrie maritime marseillaise se débat au milieu d’un état de choses anarchiste… Les marins et les ouvriers obéissent, inconsciens ou terrorisés, à une poignée de meneurs, soulèvent chaque jour de nouveaux incidens, émettent de nouvelles exigences, prétendent’ imposer en tout leur volonté. Les conventions établies à la suite des grèves précédentes sont constamment violées, les signatures tenues pour nulles. Marins et ouvriers interrompent à tout instant le travail, en affectant le plus absolu dédain pour les lois et les contrats. On a vu, samedi dernier, un équipage entier abandonner un paquebot-poste, quinze minutes avant la partance, sans souci des lois maritimes, ni de la sécurité des chaudières en pression, ni des nombreux passagers, ni des intérêts commerciaux lésés. Les principes d’autorité et de discipline sont partout méconnus. Parmi les travailleurs en butte à tous les genres d’intimidation, aucune protestation ne s’élève, aucune bonne volonté ne peut se faire jour, et nous voyons l’autorité chargée de l’application des lois reculer devant les sanctions nécessaires… La mesure est comble.


La déclaration se termine par l’exposé de la résolution que l’armement a dû prendre comme conséquence de l’arrêt du travail de ses auxiliaires les plus indispensables. Cet arrêt de travail le réduisant à désarmer ses navires et à cesser toutes ses opérations, l’armement a résolu « de faire sienne la cause de tous ceux que frappent les mises à l’index arbitraires, et d’attendre que les ouvriers de toutes les catégories reviennent à la conscience du mal qu’ils causent en perpétuant le désordre, et fournissent pour l’avenir des garanties sérieuses et définitives de stabilité dans le travail. »

Cette protestation des compagnies de navigation et des armateurs était d’autant plus opportune, que le gouvernement, non