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officiers de la marine marchande, avec le syndicat des capitaines au cabotage, et avec celui des mécaniciens diplômés, ils décidèrent, après avoir accompli toutes les formalités voulues, — car les officiers sont des inscrits, comme les hommes qu’ils commandent, — de porter au bureau de la marine leurs rôles d’équipage, et firent savoir qu’ils ne reprendraient leur poste, que lorsque les officiers récemment déplacés, sur l’injonction du syndicat des inscrits sous menace de grève, seraient réintégrés sur leurs navires.

Voilà ce que fut la grève des états-majors, une réaction des chefs, effectuée dans les formes les plus légales, contre l’indiscipline, devenue intolérable, des équipages. Le gouvernement, très surpris, un peu déconcerté, eut un moment la pensée de décréter la mobilisation des états-majors de la marine marchande, d’autant que les officiers du commerce dans les autres ports paraissaient résolus à se solidariser d’une façon complète avec leurs camarades de Marseille. L’idée n’eut pas de suite. Mais comme la révolte légale des états-majors risquait d’entraîner un long et dangereux chômage des inscrits, et que la situation semblait devoir conduire avant peu à la formation générale d’une double ligue des états-majors dans tous les ports de France et des inscrits dans ces mêmes ports, c’est-à-dire à l’extension la plus fâcheuse du mal qui résultait déjà de la non-application des lois par le gouvernement, on fit entendre à M. Rivelli, de bonne source, qu’il serait sage qu’il avertît les inscrits de la position fausse où ils allaient se trouver, leur syndicat ne pouvant agir longtemps avec impunité à l’encontre des prescriptions de la loi disciplinaire de 1898 et du Code de commerce. L’avis fut entendu. Bientôt après, il fut admis qu’il y avait eu un malentendu entre les officiers et les équipages. Les officiers déplacés, quelques-uns d’entre eux au moins, furent réintégrés sur leurs navires respectifs. La paix était faite, officiers et équipages rembarquèrent.

Ce n’était qu’une trêve. Bientôt après, éclata la grève générale, qui frappa de paralysie le port de Marseille, et à laquelle les équipages des navires prirent part bruyamment, en abandonnant leur poste, sans souci des formalités prescrites par la loi. Cette fois, c’était l’indiscipline généralisée, systématisée. On vit, le 5 août, le syndicat des inscrits accorder à la Compagnie transatlantique un délai de huit jours pour donner satisfaction aux