Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

correctionnel à bord des bâtimens de l’État, qui constituait sur nos vaisseaux une sorte de bagne et dégradait le service, et supprime enfin les retenues de solde, qui frappaient surtout les familles des inscrits coupables.

Le fameux article 65 du décret de 1852 est donc modifié, lui aussi, mais seulement dans une partie de son contexte. L’article 65 nouveau, supprimant, comme il vient d’être dit, la peine de l’embarquement correctionnel et celle de la réduction de salaire, maintient et aggrave celle de l’emprisonnement. Tout comme en 1852, l’absence non autorisée du bord pendant plus de trois fois vingt-quatre heures est assimilée, en 1898, à la « désertion militaire. »

Voici le texte même du nouvel article 65 :


Les gens de mer, mécaniciens, chauffeurs et médecins français ou étrangers, qui, dans un port de France, s’absentent sans permission pendant trois fois vingt-quatre heures de leur navire ou du poste où ils ont été placés, ou laissent partir le navire sans se rendre abord, sont réputés déserteurs, et punis de quinze jours à six mois de prison.


En 1852, il s’agissait de six jours d’emprisonnement. Le législateur, en 1898, estime que c’est trop peu. L’inscrit maritime qui se sera placé dans la situation délictueuse prévue par la loi ne se verra plus, il est vrai, embarqué sur un navire de l’Etat pour une campagne extraordinaire de plusieurs mois, et s’il est réintégré à bord du navire de commerce sur la demande du capitaine ou patron, il ne sera plus privé de la moitié de sa solde. En revanche, au lieu de six jours de prison, il en fera quinze au moins et la durée de sa détention pourra atteindre six mois.

Ainsi, en 1898 comme en 1852, comme en tout temps depuis Colbert jusqu’à 1791, l’inscrit maritime ayant signé un engagement de marin à bord d’un navire de commerce, s’il quitte son poste sans permission et reste plus de trois jours absent, n’est pas un ouvrier ou un employé qui, mécontent de son patron, rompt son contrat, au risque de se voir assigné devant le juge de paix, ou simplement prend part avec quelques camarades à une cessation concertée de travail pour une période plus ou moins longue, cessation qui ne saurait être délictueuse puisque la loi la justifie sous le nom de grève : cet inscrit maritime sera, de par la loi, un déserteur.

Dura lex, sed lex. M. Pelletan, ministre de la Marine,