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ses obligations militaires. Était-il possible d’admettre plus longtemps qu’un homme libre, qui s’engage à travailler sur un navire de commerce au bénéfice d’un patron que son travail peut et doit contribuer à enrichir, ne puisse, dans un moment de découragement ou d’irritation, abandonner sa tâche pendant une période excédant soixante-douze heures, sans que son escapade soit punie et flétrie comme une « désertion militaire ? »

C’est à cet ordre de considérations humanitaires, à ce besoin de moderniser une loi déjà ancienne, de la mettre en harmonie avec les notions du droit politique présent, avec les conceptions les plus actuelles de la dignité, de la personnalité humaine, que répondait le projet de loi présenté le 12 juin 1894 par le ministre de la Marine, M. Félix Faure, « portant modification du décret-loi disciplinaire et pénal du 24 mars 1852 concernant la marine marchande. » Le projet fut étudié et mûri pendant quatre années ; il y eut un premier rapport à la Chambre de M. Leffet, un au Sénat de M. Grivart, un autre à la Chambre de M. Le Myre de Vilers. Les hommes les plus compétens en la matière prirent part aux discussions, qui aboutirent au vote de la loi du 19 avril 1898.

Il est clair que la question des pénalités exceptionnelles, auxquelles une violation de contrat d’embarquement expose l’inscrit maritime, a dû être étudiée et scrutée à fond, que les décisions insérées dans le texte nouveau n’ont pu être prises à la légère et on admettra que la date récente de la loi de révision ne permet plus de parler de prescriptions vieillottes, surannées, appartenant à un autre âge.

Eh bien, cette loi de 1898 établit que le décret de 1852, par cela même qu’il avait pour objet de rétablir l’ancienne juridiction spéciale, supprimée le 13 août 1791, « pour le plus grand dommage de la discipline à bord des navires de commerce, et par voie de conséquence à bord des navires de l’État, » reposait sur un principe non contestable, et que les législateurs de 1898 ne songeaient pas à contester. Le décret de 1852 avait prêté à des critiques de détail, justifiées, auxquelles la loi nouvelle donnait satisfaction. Elle modifiait en effet un certain nombre des articles de la section III du décret, relative aux délits maritimes, comprenant les articles 60 à 88. Elle introduit des changera en s dans la composition du tribunal maritime commercial, abolit les peines corporelles, supprime rembarquement