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acte s’appelle le rôle de l’équipage ; il contient les conditions de l’engagement. L’administrateur de la marine doit, avant de laisser s’engager l’inscrit qui lui est présenté, s’assurer qu’il connaît pleinement ces conditions. Après cette formalité seulement, l’administrateur fait signer l’inscrit et signe lui-même.

Dès lors l’inscrit est lié, et l’armateur l’est également. L’exécution du contrat n’est pas laissée au libre arbitre de chacun deux, et, s’il y a violation de part ou d’autre, ce n’est pas la juridiction commune qui doit être saisie[1]. Des lois et des règlemens obligent les parties contractantes, l’armateur, le capitaine et les marins composant l’équipage, garantissent l’exécution de l’engagement réciproque, et édictent les pénalités encourues en cas d’infraction. En un mot, les contrats entre marins et armateurs sont placés sous la sauvegarde de l’administration maritime, qui « doit » en assurer l’exécution.


III

Le système institué par Colbert fut modifié dans ses détails, mais confirmé à maintes reprises au XVIIIe et au XIXe siècle. Les actes législatifs les plus importans sur la matière ont été : le décret de la Constituante du 31 décembre 1790, où il fut déclaré que ceux qui exerceraient la profession maritime seraient exonérés de tout autre service public ; la loi du 3 brumaire an IV, des décrets rendus en 1856 et 1863, sous le second Empire, d’autres décrets rendus en 1872 et en 1885 sous la troisième République. Le 13 août 1791, l’Assemblée constituante avait supprimé la juridiction spéciale instituée pour les délits maritimes et fait rentrer les gens de mer dans le droit commun. Ce fut un coup funeste porté à la discipline, qui, jusqu’alors, avait été strictement maintenue parmi les équipages des navires de commerce.

Au commencement de 1852, les trois années d’agitation politique qui venaient de s’écouler avaient stimulé dans les équipages des navires de commerce un tel esprit d’insubordination

  1. « L’intervention du commissaire de l’inscription maritime dans un contrat d’embarquement est obligatoire dès que l’embarquement devient effectif. La convention présente ce caractère particulier que l’engagé ne sera plus admissible à décliner l’exécution personnelle de son contrat, que sa résistance sera considérée comme un fait délictueux et qu’elle pourra être réduite par la force. » (Ordonnance du 31 octobre 1784 ; décret-loi du 24 mars 1852.)