Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/889

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et il faut être gros avec la démocratie lorsqu’on veut être un démagogue ! lorsqu’on veut « la conduire dans une telle guerre ! »

Cette guerre, si M. Combes s’y lance et nous y lance, ce n’est pas, qu’on daigne l’en croire, « dans un sentiment d’hostilité contre les consciences chrétiennes, mais dans un sentiment de paix sociale et de liberté religieuse. » La politique de M. Combes est « une politique courageuse et prévoyante, de guerre pour le présent, de paix pour l’avenir. » Si vis pacem, gere bellum. Y aurait-il encore une France, si le gouvernement supportait une heure de plus l’invasion monacale, la croisade épiscopale, l’agression pontificale ? Après quoi, M. le président du Conseil n’en voudra pas personnellement aux quelques millions de Français qui ont encore la faiblesse de croire ; c’est un vieux philosophe spiritualiste, et qui, par intervalles, se souvient du passé. En vérité, il abomine le Syllabus, « cet effroyable répertoire des sentences les plus oppressives pour la conscience et la raison humaines, » et il ne s’émeut plus, — oh Dieu, non ! — « des anathèmes perfectionnés » que ledit Syllabus « prodigue à ceux qui le méconnaissent. » Mais il sent au fond de lui-même, lorsqu’il y redescend, qu’il est bon de garder un asile aux âmes blessées par la vie, qu’il serait peut-être sage d’autoriser, pour le recueillement silencieux des derniers jours, au moins une congrégation contemplative, que la force de l’instinct religieux est une force… Et je me rappelle, chaque fois que je l’entends, une phrase admirable de Gustave Flaubert : «… Bouvard, dès qu’il n’aperçut plus le tricorne, se déclara soulagé, car il exécrait les jésuites. Pécuchet, sans les absoudre, montra quelque déférence pour la religion… »

Mais n’allons pas perdre de vue le fait qui domine toute l’année politique 1903-1904 : en cette année-là, M. Combes s’est découvert lui-même ; bien plus, il a découvert à son gouvernement « un système politique. » Il l’a révélé à l’histoire attentive, vers la fin du banquet d’Auxerre. Et le bon jeune homme qui, à son cabinet, est chargé de couper en tranches, afin de les rendre plus aisément assimilables, les harangues présidentielles, sans rire, de sa meilleure plume et de sa meilleure encre, a moulé en gros caractères ce titre plein de promesses : Le système politique du gouvernement. C’est tirer les gens par la manche et les forcer à s’arrêter. Approchons-nous et lisons :