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jugé ; ou il ne les prévit ni ne les voulut : alors il se trompa sur la nature des choses : ou M. Waldeck-Rousseau connaissait M. Combes quand il le désigna à l’attention de M. le président de la République, et il sut ce qu’il faisait : en ce cas, il fit mal ; ou il le désigna sans le connaître, et ne le fit que parce qu’il ne savait pas : alors il se trompa sur le caractère de l’homme. Cette seconde hypothèse est très probablement la bonne, mais que reste-t-il d’un homme d’Etat qui se trompe à la fois sur les choses et sur les hommes ?

Il reste son œuvre lorsqu’il en a une : il reste à M. Waldeck-Rousseau l’œuvre de sa jeunesse politique, la loi de 1884 sur les syndicats professionnels, et c’est tout : mais c’est beaucoup, auprès de tant d’autres, auxquels et desquels il ne restera absolument rien.

Voilà ce que nous nous chargerons volontiers d’expliquer, dès qu’on pourra s’expliquer là-dessus sans inconvenance. Mais M. le président du Conseil, moins patient et moins désintéressé, ne diffère pas. « M. Waldeck-Rousseau fut un grand républicain ; il nous appartenait, je le continue : donc, je suis, moi aussi, un grand républicain. » Si M. Combes le déclare tout de suite, tout crûment et tout uniment, c’est que, dans ses jugemens sur lui-même et sur autrui, ainsi que dans sa politique, il ne vise ni à « la finesse des aperçus, » ni à « l’élégance des formules : » en quoi du moins il ne ressemble pas à M. Waldeck-Rousseau, qu’il se pique par ailleurs de perpétuer ; comme on l’a dit, sous ce rapport, il lui ressemble aussi peu qu’un couteau de cuisine à une dague de Benvenuto. En aveugle et en sourd, il tape et il assomme, il tue et il écorche. Ses adversaires, ou simplement ceux qu’il soupçonne de n’être pas ses admirateurs, les indifférens, un peu dédaigneux peut-être, qui se sont réfugiés sur des sommets où il n’a point accès, ou enfermés derrière des portes qu’il ne peut contraindre à s’ouvrir, ne sont pour lui que : « ces gens-là !… ce monde-là !… » Comme il les traite ! C’est « la réaction cléricale ! » Ce sont « les convictions hésitantes, » « les factions hostiles à la République ! » Avant les élections municipales et cantonales, leurs prévisions étaient « effrontément optimistes ; » après ces élections, — triomphe de son ministère, ses préfets le lui ont assuré, et il leur avait prescrit la sincérité la plus scrupuleuse : ainsi donc…, — ces adversaires confondus n ont su que « balbutier quelques réponses incohérentes ; »