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Hélas ! messieurs, le Dieu de nos pères, qui devait armer d’un papier vengeur la main de l’électeur, s’est montré d’une longanimité, d’une indifférence sans pareille. Nulle paît ses éclairs n’ont illuminé le ciel politique. Nulle part sa foudre n’a pulvérisé les urnes criminelles.


Ainsi, mais plus éloquemment, le Don Juan de Molière.

De toutes manières, à force de s’entendre dire qu’il ne faisait que des gestes d’ombre, n’avait qu’une voix d’écho et ne répandait qu’une lumière de reflet, M. le président du Conseil s’est lassé et fâché. Ce n’est pas maintenant qu’il se vanterait presque de son insignifiance, qu’il répéterait : « Peu m’importe, quant à moi, de savoir si je dirige ou si je suis dirigé. » Son « quant à moi, » désormais, est tourné d’autre sorte. Il s’est découvert lui-même, et toute une Amérique, toute une politique en lui : il s’extériorise et s’étale. Quand il est devant « ses juges naturels, les électeurs républicains, » ma règle absolue, nous dit-il, est de leur exposer en toute franchise ce que j’ai fait et ce que je me propose de faire. » Et il ajoute :


Il y a du moi forcément dans cette façon d’opérer. Mais je me permets de penser que ce moi n’est haïssable que pour ceux qui font métier de haïr la politique dont il est l’organe, politique essentiellement agissante, qui ne vise pas plus à la finesse des aperçus et à l’élégance des formules qu’à la pompe des phrases, politique résolument réformatrice, qui puise sa raison d’être et ses motifs d’action dans les besoins reconnus et les aspirations constatées du parti républicain, politique de combat pour le présent et de paix pour l’avenir, qui se rattache à la politique courageuse et prévoyante de nos chefs les plus honorés, Gambetta, Jules Ferry, Paul Bert, Waldeck-Rousseau, et se caractérise par la même lutte ardente, la même offensive vigoureuse contre le même ennemi, cette réaction cléricale au sein de laquelle se sont donné rendez-vous les convictions hésitantes et les factions hostiles à la République.


Cette prose pèse son poids ; mais, pour parler vulgairement, M. Combes ne nous l’envoie pas dire, et il n’attend pas que nous le lui disions : sa politique ne vise ni « à la finesse des aperçus, » ni à « l’élégance des formules ; » et il lui serait, en effet, difficile d’y prétendre ; elle ne vise pas non plus « à la pompe des phrases ; » et pourtant, « une politique essentiellement agissante, une politique résolument réformatrice, qui puise sa raison d’être et ses motifs d’action dans les besoins reconnus et les aspirations constatées du parti républicain, » qu’est cela ? et, rien qu’à l’accumulation des adjectifs et des adverbes, ne