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LE MINISTÉRE PERPÉTUEL


I

Il y a tout juste un an que parut ici même, sous ce titre interrogatif : Où est le gouvernement ? un article qui se proposait de montrer, d’après les textes et les faits, que le gouvernement n’est pas du tout où il paraît être, où il devrait être, qu’il est ailleurs ; que nous avions en réalité deux ministères, l’un légal, constitutionnel, théoriquement responsable, mais qui n’est qu’une façade ; l’autre parfaitement irresponsable, illégal et inconstitutionnel, mais qui est tout l’édifice, et le fondement, et la voûte ; que les ordres venaient bien de la place Beauvau, mais que le mot d’ordre venait de la rue Tiquetonne ou de la rue Cadet. La rentrée des Chambres était proche, comme elle est proche aujourd’hui ; et l’on se risquait alors à prédire, — ce que l’on prédirait volontiers encore, — que, contrairement aux mauvais bruits répandus par des adversaires trop confians ou des héritiers trop pressés, M. Combes ne tomberait point.

C’était aussi faire le prophète à bon compte et en toute certitude que d’annoncer que, s’il ne tombait point, sa politique ne changerait pas ; qu’il continuerait de « manger des moines » jusqu’à ce qu’il n’en eût plus à se mettre sous la dent ; et que, lorsqu’il n’en aurait plus, il se rejetterait sur les « curés ; » qu’il en « mangerait » pour vivre, et que précisément il vivrait parce qu’il en mangeait comme personne ; qu’il demeurerait à jamais fermé à tout le reste, incapable de s’intéressera quoi que ce fût qui ne fût pas une affaire d’Eglise ; mais que ceux qui l’avaient mis en place l’y maintiendraient indéfectiblement, puisque, pour