Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/826

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand l’annonce de la capitulation soulèverait les colères publiques. La ville l’apprenait le 3 septembre au soir. Ils agirent le lendemain.


IV

La disposition des lieux favorisait à Lyon les entreprises révolutionnaires. La Préfecture et la Mairie se partageaient l’Hôtel de Ville, et celui-ci s’élevait sur la place des Terreaux, au pied de la Croix-Rousse, la vaste et populeuse colline où vivait massée la population ouvrière. Un réseau de rues étroites sillonnait la hauteur et dévalait vers la place. Dans ces rues, les habitans étaient aux portes de leurs demeures, presque chez eux, et ne semblaient pas menaçans. Mais s’ils se mettaient en branle, et que leurs flots séparés descendissent la pente, dès qu’ils débouchaient sur la place, ils formaient une foule, et déjà elle touchait l’Hôtel de Ville. C’est ainsi que, dans ses émeutes, elle avait d’ordinaire surpris par son premier élan l’édifice où elle saisissait à la fois le pouvoir de la ville et celui de l’Etat. L’autorité militaire avait son quartier général à la place Bellecour, trop loin pour recevoir à temps les nouvelles urgentes et prévenir les invasions.

Le 4 septembre, à sept heures du matin, le préfet du Rhône, Sencier, n’avait autour de l’Hôtel de Ville que cinquante agens de police. Il croyait que Lyon attendrait les événemens de Paris. Au moment où il disait au procureur général, accouru pour se concerter avec lui, que nul mouvement n’était à craindre ce jour-là, l’émeute avait descendu la Croix-Rousse et ses têtes de colonne débouchaient sur la place. Elle fut en un instant noire de peuple. Refoulés par cette masse, les sergens de ville remettent l’épée au fourreau et rentrent dans la Préfecture. Une bande à la tête de laquelle un homme brandit un drapeau rouge se précipite en même temps qu’eux dans l’édifice, les fait prisonniers, les désarme, ouvre le chemin à l’invasion. Les chefs bourgeois, Hénon, Durand, Barodet, attendaient sur la place. Dès que l’Hôtel est ouvert, ils y entrent, apparaissent au balcon du premier étage, et proclament la République. A eux s’est joint un chef de l’Internationale, et pour que les siens aient aussi leur part, du balcon, il crie : « Ceux de l’Internationale, montez ! » Aussitôt les deux factions travaillent de concert, et dans le