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LE HÉROS


(Sur un bas-relief du musée d’Athènes.)


Jeune soldat vainqueur, qui tombas dans la plaine,
Où planent, nuit et jour, les aigles assouvis,
Toi, le plus cher des biens que le sort m’a ravis.
Je t’offre cette palme et cette amphore pleine.

Ton front inanimé, ta bouche sans haleine
Semblaient sourire encor, lorsque je te revis,
Et maintenant auprès des immortels tu vis,
Comme tant de héros, gloire du sang hellène

Tel tu m’es apparu, tel, impassible et beau,
On t’a représenté sur le mur du tombeau ;
Mais vainement vers toi mon cœur triste s’élance,

Tu ne me réponds pas, tu n’es plus en ce lieu,
Et, sans oser gémir, je contemple en silence
Mon fils perdu, l’enfant dont la mort fit un dieu.


LE SCULPTEUR


Dans un roc de Paros, doré comme l’ivoire,
J’ai sculpté la splendeur et le sublime effort
Du héros que soudain divinise la mort,
Du vainqueur qui succombe, offrande expiatoire.

A l’heure où les bergers mènent leurs troupeaux boire
Où les rameurs lassés se tournent vers le port,
Pour moi, bon travailleur éprouvé par le sort,
Au ciel d’or luit aussi l’aile de la Victoire.

Mon marbre est achevé… Là-bas, près du chemin,
Qu’on le pose à la place où je serai demain ;
C’est mon dernier désir et mon unique envie,

Et l’avenir saura que mon rêve était beau,
Que j’ai fait sagement de lui vouer ma vie,
En voyant son image au seuil de mon tombeau.