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apporter de modifications sans avis favorable et sans autorisation. Les détails du culte sont soumis à son contrôle, il réglemente le casuel et intervient dans la concession des indulgences ; le catéchisme est dynastique et proclame qu’ « Il est celui que Dieu a suscité, dans des conditions difficiles, pour rétablir le culte public et la religion sainte de nos pères et pour en être le protecteur. » Enfin cet ensemble ainsi conduit à l’unité de par son organisation est maintenu dans l’unité par deux institutions d’Etat, la Censure et la Haute Police, qui surveillent instructions pastorales, prônes, sermons et mandemens, et vont même jusqu’à intervenir dans leur rédaction. C’est, pour toutes les confessions et pour les moindres événemens de la vie religieuse, le régime du « Placet Regium » dans ses plus rigides exigences et, par ailleurs, tout est prévu « pour réprimer les infractions, même en matière spirituelle. »

Parallèlement à la direction spirituelle, et presque simultanément, sont mis en branle les organes de la direction intellectuelle. La société doit être napoléonienne ; pour la rendre telle, « il est nécessaire d’avoir des matériaux : les seuls bons, c’est la jeunesse. » Le dessein si nettement conçu de l’Empereur trouve son expression dans une forme presque identique à celle qui avait servi à caractériser l’organisation ecclésiastique : « Dans l’établissement d’un corps enseignant, dit-il, mon but principal est d’avoir un moyen de diriger les opinions morales et politiques. » Il ambitionne de voir tous ses sujets enserrés dans les mailles d’une gigantesque « conscription, » tant religieuse qu’intellectuelle et militaire, qui les prendra dès l’heure où ils sont capables d’apprendre, et les mènera jusqu’à celle où leurs bras pourront encore sans défaillir porter les armes pour la défense nationale. L’Empereur se prépare à « fondre ensemble les Français d’autrefois et les Français d’aujourd’hui, les Français du centre et les Français des bords du Rhin, de l’Escaut et du Pô. » Certes pareil rêve était grandiose : la machine chargée d’en assurer la réalisation ne pouvait manquer, en conséquence, d’être colossale. Préparée par la loi de 1802, créée par celle du 10 mars 1806, l’Université Impériale, en laquelle Napoléon reconnaissait lui-même la plus merveilleuse de ses conceptions, est définitivement organisée par le décret du 7 mars 1808 : le grand corps laïque ainsi constitué est doté de tous ses élémens, lui seul aura le droit de vie ; en dehors de lui, ou sans