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Trente ans plus tard, il est vrai, Richelieu menait une guerre sans répit contre « le parti huguenot » ressuscité après l’attentat de Ravaillac ; mais ce qu’il combattait, au nom du même principe qui lui avait fait décider la ruine des derniers vestiges féodaux, c’était l’État qui avait tenté de se former dans l’État, plutôt que « ceux de la R. P. R. » Évêque, il avait violemment attaqué les doctrines des protestans et écrit à leur intention une « méthode des controverses ; » ministre, il ne prétendit pas leur refuser les libertés religieuses qui leur avaient été reconnues, leur imposer sa foi dans sa forme confessionnelle, et les ramener par la loi à l’unité théologique. Il était trop grand politique pour méconnaître que « la prudence ne permet pas au prince de tenter des moyens si hasardeux qu’ils puissent déraciner le bon bled en voulant déraciner l’yvraie, dont il serait difficile de purger un État par une autre voie que celle de la douceur, » et, parlant de l’ « Édit de grâce » signé par lui à Alais le 28 juin 1629, il était en droit de dire : « Dès lors, la diversité de religion ne m’empêcha jamais de rendre aux huguenots de bons services, et je ne vis de différence entre les Français que par la fidélité. »

Mazarin, à son tour, plus porté vers la ruse que vers la force, peu enclin du reste aux controverses dogmatiques et par cela même peu soucieux « de l’herbe bonne ou mauvaise que broutait le petit troupeau, pourvu qu’il ne s’écartât point, » maintint, à l’égard des Réformés, le principe de la liberté religieuse. Louis XIV, en le restreignant d’abord dans ses manifestations, puis en déchirant le pacte qui en établissait les garanties, a commis une faute politique qui a longtemps pesé sur les destinées de la France.

Dès 1656, l’édit royal qui annulait l’édit de 1652 donné en confirmation de l’Edit de Nantes, avait éveillé les craintes légitimes des protestans ; en 1661 les événemens les justifièrent et la lutte s’ouvrit contre les « pelotons à part » dont l’inébranlable fermeté heurtait les susceptibilités d’un orgueil démesuré et blessait les scrupules de la « piété ignorante » du Roi. Afin « de ramener à l’Eglise ceux qui s’en étaient si facilement éloignez » et de faire expirer « le monstre redoutable de l’hérésie » en contraignant à l’unité les élémens dissidens, il fallait : pour le présent, atteindre, dans le fidèle, l’individu, dans le clergé la résistance théologique, dans les Églises la collectivité ; en vue du lendemain, il importait, par l’enseignement, de mettre la main