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qui encombrent en hiver la mer d’Azof et jusqu’aux abords d’Odessa. En Extrême-Orient, sur une étendue de 9 000 kilomètres environ, les mers d’Okhotsk et de Behring présentent les caractères des mers polaires. La mer du Japon, elle-même, est presque sans cesse enveloppée d’épais brouillards, et n’offre, sur le littoral russe, aucun port entièrement libre de glaces.

Le climat a donc mis un obstacle très sérieux au développement de la marine marchande russe. Les étrangers n’envoient leurs navires sur les côtes de Russie qu’en été, et les emploient, le reste du temps, à d’autres navigations. Mais que peuvent faire de leurs navires les armateurs russes, pendant les longs mois où les glaces bloquent leurs côtes ? Ils les gardent inactifs, et par conséquent improductifs, prisonniers dans leurs ports, jusqu’au moment où la débâcle vient les délivrer. Cette condition résultant du climat en entraîne une autre également défavorable : c’est la nécessité d’engins spéciaux, très puissans et très coûteux, qu’on nomme brise-glaces. Les bateaux brise-glaces, qui jouent un rôle capital dans la navigation maritime russe, servent à conserver, le plus longtemps possible, la libre entrée des ports exposés aux glaces, et quelquefois à la maintenir d’une façon presque permanente, comme à Windau. Pourvus d’un éperon et d’une hélice d’avant, ils montent sur la glace, qu’ils font céder sous leur poids, et tracent ainsi un chenal qu’ils élargissent ensuite. L’un de ces engins, le Sampo, qui peut briser, disloquer et traverser des banquises de 25 à 30 pieds d’épaisseur, a coûté 1 350 000 francs. La dépense annuelle de ce vapeur, dont la campagne dure de 4 à 5 mois, est de 110 000 francs, dont 40 000 pour le charbon.

On comprend que les Russes, pour se soustraire à des conditions aussi défavorables, aient cherché des débouchés, des sorties, des ports en eaux libres. D’un ou plusieurs ports en mer libre dépend pour eux, en effet, la possibilité d’entretenir des relations ininterrompues avec l’étranger, avec les différentes parties de leur Empire, en un mot de posséder et de faire vivre une marine marchande nationale. En poursuivant la recherche d’un port de cette nature, à l’Ouest et au Sud d’abord, à l’Est ensuite, les Russes ont poursuivi, en somme, la solution du problème de leur marine marchande. À cette recherche perpétuelle de ports en mer libre, ils ont gagné une frontière maritime extrêmement étendue, et dont les différentes parties sont