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avec autant de gravité, les grèves éclatèrent à Nicolaïef, à Batoum et à Bakou ; Novorossisk en avait été gratifié en décembre 1902. Cette unanimité des ouvriers à faire grève, cette ténacité et cette violence dans leurs revendications, cette simultanéité dans leurs actes prouvent une organisation générale dont il n’est pas téméraire, encore une fois, de voir la base dans les « artels. »


Telle qu’elle apparaît, par les chiffres et les renseignemens qui précèdent, la marine marchande russe est encore très insuffisante, par rapport aux capacités de production et de consommation du pays. Le mouvement commercial entre la Russie et l’Europe occidentale est considérable, et se produit principalement par mer. En 1900, l’importation des marchandises par les ports russes s’est élevée à 246 millions de pouds, et l’exportation à 696. Les marchandises, qui sont entrées par mer en Russie, représentent 50 pour 100 de l’importation totale de cet État, et celles qui en sont sorties par la même voie, 73 pour 100 de l’exportation totale. L’importance de ce mouvement commercial, l’écrasante supériorité des transports par mer sur les transports par terre, l’énorme écart de 450 millions de pouds entre l’importation et l’exportation, sont autant de circonstances extrêmement favorables au développement d’une marine marchande nationale.

Or, ces circonstances ont, jusqu’à présent, surtout profité aux marines marchandes étrangères. Sur les 246 millions de pouds de marchandises qui sont entrés, en 1900, dans les ports russes, les navires étrangers ont importé 221 millions de pouds, et les navires russes 25 millions seulement. Sur les 696 millions de pouds de marchandises qui sont sortis, la même année, des mêmes ports, les navires étrangers ont exporté 658 millions, et les navires russes 38 seulement. La proportion des navires russes de long cours, dans le mouvement général des ports russes, est également très inférieure à celle des navires étrangers[1].

  1. Sur 10 236 navires de long cours, entrés dans les ports de Russie en 1901, les pavillons étrangers sont représentés par 8 699, et le pavillon russe par 1 537 seulement. Sur 10 039 navires de long cours sortis, la même année, des mêmes ports, 8 630 battaient pavillon étranger et 1 409 seulement battaient pavillon russe. Quant au tonnage, les navires russes ne représentent que 8 à 10 pour 100 du tonnage des navires de long cours entrant dans les ports de Russie, tandis que les navires anglais représentent 33 pour 100 de ce tonnage, les allemands 11,8 pour 100, les danois 12 pour 100, les suédois et norvégiens 10 pour 100.