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Mme de Sévigné écrivait gaiement : « Voilà qui est fini[1], » les larmes de Mademoiselle inspiraient de bonnes et courageuses paroles à une personne parfaitement obscure, et qui se défendait toujours d’écrire aux gens parce qu’elle ne se trouvait pas assez d’esprit. On lit dans une lettre adressée le 21 janvier 1671 à Bussy-Rabutin par Mme de Scudéry, belle-sœur de l’illustre Madeleine : « Je ne vous dirai rien de l’affaire de Mademoiselle ; vous aurez su sans doute tout ce qui s’est passé ; j’ajouterai seulement que, si vous saviez ce que c’est qu’une grande passion dans le cœur d’une honnête personne comme elle, vous vous en étonneriez et vous en auriez pitié. Pour moi, qui ne connais point l’amour par mon expérience, je comprends pourtant que Mademoiselle est fort à plaindre ; car elle ne dort pas la nuit, elle s’agite tout le jour, elle pleure ; et enfin elle fait la plus misérable vie du monde[2]. »

Bussy-Rabutin répondit : « A Chaseu, ce 29 janvier 1671)… Je comprends bien ce que c’est qu’une passion dans un cœur neuf comme celui de Mademoiselle, de son tempérament et de son âge, et je vous avoue que cela me fait pitié ! Il me semble que l’amour est une maladie comme la petite vérole : plus on l’a tard et plus on est malade. » Il avait bien compris en effet, mais seulement le côté déplaisant de cette passion tardive, et presque tout le monde en était là, ce qui achevait de détourner l’intérêt de Mademoiselle. La chute de cette princesse fut ainsi définitive. L’héroïne de la Fronde s’effaça aux yeux de son temps et il ne resta qu’une vieille fille ridicule, dont les infortunes amusèrent la galerie.


ARVEDE BARINE.

  1. Lettre du 24 décembre 1670.
  2. Correspondance de Bussy-Rabutin, publiée par Ludovic Lalanne.