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REVUES ÉTRANGÈRES

LE SIXIÈME CENTENAIRE
E LA NAISSANCE DE PÉTRARQUE

C’est devenu maintenant un usage à peu près invariable, chaque fois qu’un anniversaire ramène la curiosité publique sur l’un des grands hommes du passé, de découvrir et de glorifier par-dessus tout dans cet homme, un précurseur ou un apôtre de la « libre-pensée. » Qu’il s’agisse d’un savant, d’un poète, voire d’un musicien ou d’un peintre, nous pouvons être assurés que toute fête, organisée désormais en son honneur, prendra plus ou moins le caractère d’une manifestation antireligieuse : soit que l’on s’avise de reconnaître, dans son œuvre, un « individualisme » incompatible avec la « passivité » de l’esprit chrétien, ou que simplement on ait quelques motifs de penser que, certain jour de sa vie, il a failli se quereller avec son curé. Et il n’est donc pas étonnant qu’après le cent-cinquantenaire de Goethe, après les centenaires de Victor Hugo et de Michelet, de Balzac et de Berlioz, le sixième centenaire de Pétrarque, en juillet dernier, ait donné lieu à une manifestation du même genre. Toutes les loges italiennes ont célébré, comme un de leurs ancêtres, le pieux chanoine qui, sa vie durant, avait coutume de se relever de son lit, à une heure du matin, pour réciter les psaumes de la pénitence. La presse « libérale, » se souvenant du mot fameux qui appelait Pétrarque « le premier homme moderne, » en a conclu que l’auteur des dialogues sur le Mépris du Monde devait avoir caché, sous son apparente dévotion, cette inquiète, mais solide incrédulité qui est la marque distinctive