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REVUE LITTÉRAIRE

CONDORCET ET LA RÉVOLUTION

« Condorcet, proscrit avec les Girondins… s’empoisonne lui-même en se voyant arrêté. Cette fin malheureuse et les circonstances touchantes qui l’accompagnèrent… ont pu recouvrir les torts de ses dernières années, et faire remonter peu à peu son nom au rang d’où il n’aurait jamais dû le laisser déchoir. Mais qu’on sache bien que c’est là finalement une amnistie, et qu’on n’essaie point d’en tirer une apothéose. » Cette conclusion de l’article si pénétrant que Sainte-Beuve consacrait naguère à Condorcet, se trouverait aujourd’hui doublement en défaut. Car d’abord on n’est plus bien sûr que Condorcet se soit empoisonné. Dans son livre sur Condorcet et la Révolution française[1], M. L. Cahen montre fort bien que la tradition généralement acceptée, et que personne ne s’était encore avisé de mettre en doute, ne s’appuie sur aucune preuve ; et c’est apparemment la partie la plus neuve de son travail. On sait que, pendant neuf mois, Condorcet était resté caché dans cette maison de la rue des Fossoyeurs (actuellement rue Servandoni), où Mme Vernet lui donnait une si courageuse hospitalité. Le 25 mars 1794, ayant des raisons de croire que le secret de la maison était découvert, il partait vêtu d’une carmagnole et d’un bonnet, de laine. Il espérait trouver asile chez les Suard, à Fontenay aux Roses. Les Suard lui fermèrent leur

  1. Condorcet et la Révolution française, par M. L. Cahen, 1 vol. in-8o (Alcan). — Condorcet guide de la Révolution française, par M. Franck Alengry, 1 vol. in-8o (Giard et Brière. — Les Grands éducateurs : Condorcet, par M. Francisque Vial, 1 vol. in-16 (Delaplane).