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monastère. Après s’être fait raser la chevelure, ils prirent aussitôt l’un et l’autre l’habit religieux. Puis ils attendirent avec une indicible angoisse la suite des événemens. C’était le mercredi 21 avril, de grand matin.

« Ainsi, dit Skylitzès, cette lutte terrible inaugurée à la deuxième heure du deuxième jour de la semaine qui suit celle de Pâques, le lundi 19 avril par conséquent, finit dans la nuit du troisième au quatrième, du mardi 20 au mercredi 21. » L’Empire se trouvait maintenant avoir deux basilissæ : Zoé au Palais, Théodora à la Grande Église. Théodora était la véritable maîtresse de la situation, puisque son parti avait forcé le Calaphate à fuir et réussi à délivrer Zoé. Celle-ci, aussitôt redevenue impératrice, conservant son ancienne jalousie, voulait mettre de côté sa sœur si fâcheusement extraite de son couvent, mais elle se trompait étrangement en ne se rendant pas compte qu’elle n’était redevenue souveraine que par la grâce de cette sœur. La multitude, prise soudain de passion pour cette vieille fille si longtemps oubliée, ne permit point à la basilissa d’agir comme elle le désirait, et l’obligea à prendre vraiment Théodora pour collègue. On courut chercher celle-ci à Sainte-Sophie où elle était demeurée depuis son couronnement, gardée par une portion de la foule, et on l’amena en triomphe au Palais, probablement toujours sur son cheval. Le Sénat fut convoqué en hâte, ce Sénat imbécile, qui, si peu de jours auparavant, avait, sur l’ordre de Michel, décrété la déposition de Zoé. Celle-ci, redevenue maîtresse de l’Empire, harangua d’abord les sénateurs, puis, escaladant une tribune élevée, probablement celle du Kathisma, elle harangua de même la foule qui l’acclamait incessamment.

« La basilissa, s’écrie Skylitzès, remercia le peuple, comme il était juste, pour l’intérêt si affectueux que celui-ci lui avait porté ! » Comme nous allons voir qu’elle ne put sauver le Calaphate, et dut sur ce point céder à Théodora, elle n’en conçut qu’une haine double contre sa sœur et fit d’incroyables efforts pour la tenir loin du pouvoir. Mais l’attitude du Sénat, surtout celle du peuple, lui ouvrit les yeux, ainsi qu’à ses très sages conseillers. Un règne de Théodora sans Zoé était à ce moment possible, mais pas l’inverse. Zoé fut donc forcée d’accepter la réconciliation, du moins apparente, avec sa sœur.

Revenons au déplorable Michel V et à son oncle, le