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la nouvelle de l’attentat commis contre cette souveraine tant aimée, un « pittakion, » sorte de manifeste impérial officiel, — c’est Michel Attaleiates qui nous apprend ce détail, — fut en hâte promulgué, motivant et justifiant la conduite du basileus, noircissant Zoé, mettant tout sur le compte de la pauvre femme. Le préfet de la Ville en personne, entouré d’une nombreuse garde armée, en donna lecture à haute voix à la foule immense accourue dans le vaste Forum de Constantin. Ce « pittakion » disait en substance, parlant par la bouche même du basileus : « La basilissa Zoé que j’ai surprise conspirant contre ma personne a été déportée par mon ordre. J’ai également chassé de l’Eglise le patriarche Alexis qui était de connivence avec elle. Quant à vous, mon peuple, si vous persistez, comme je l’espère, dans vos bonnes intentions à mon endroit, vous recevrez de moi de grands bienfaits et de grands honneurs et vous vivrez d’une vie assurée et tranquille ! »

Psellos dit que dans la foule beaucoup de gens avaient été gagnés pour applaudir bruyamment à cette communication. On espérait ainsi enlever les suffrages de la masse. Michel était même, paraît-il, si assuré du succès, si convaincu que le peuple accepterait tacitement, à l’exemple du Sénat, l’exil de l’impératrice, qu’il était allé se délasser de ce que notre chroniqueur appelle ironiquement ses travaux héroïques, aux jeux du Cirque. Le jeune basileus se trompait lourdement, et le châtiment de son indigne conduite allait être aussi brusque qu’atroce.

« La terrible explosion de fureur populaire qui suivit immédiatement la communication maladroite du Calaphate, a-t-on dit avec raison, fit sur les témoins oculaires l’impression la plus profonde et la plus extraordinaire. » Psellos, qui fut de ceux-là, inaugure le récit qu’il en va faire par un préambule solennel « comme il en faut, dit-il, pour les plus grandes scènes historiques, si grandes que l’exposé en dépasse les forces humaines. » Il parle en somme de ce soulèvement fameux en termes qui ne seraient pas déplacés pour le récit d’un événement tel que les débuts de la Révolution française. « Pour ce qui va suivre, poursuit-il en effet en son langage ampoulé, tout discours humain demeure inférieur à la grandeur des faits, et l’esprit de l’homme ne peut arriver à comprendre les décrets de la Providence. Je juge ici des autres par moi-même. Pas plus le poète inspiré divinement, que le rhéteur à l’éloquence entraînante, au langage