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et voir dès maintenant de quel néant est pétri le monde[1]. »

C’est un athée qui parle, M. Deherme, un ouvrier voué depuis longtemps à l’éducation du peuple et à l’organisation sociale, le fondateur de l’Université populaire.

Imitée çà et là (plus ou moins heureusement), cette Université populaire a fonctionné six ans environ, telle que l’avait établie M. Deherme. Le programme en avait été tracé dans les termes suivans :

« Nous voulons la vérité, la beauté, la vie morale pour tous ; nous voulons que le peuple soit admis à participer à ces biens qui constituent le patrimoine propre à l’humanité ; nous voulons que — comme le soleil pour tous les yeux, — la lumière intelligible se lève pour toutes les intelligences.

«… Notre Association ne propage aucune doctrine politique, religieuse ou philosophique particulière. Elle est une œuvre d’enseignement supérieur populaire et d’éducation éthique sociale. Elle s’interdit donc tout prosélytisme et n’exclut que l’exclusion… L’esprit qui nous anime est un esprit libre.

« Les heures de loisir sont pour l’ouvrier, l’employé et le paysan, s’ils n’ont pris le goût des saines et fortes lectures, les plus tristes et les plus dangereuses, alors qu’ils pourraient non seulement les employer agréablement et dignement, mais encore les utiliser pour leur développement physique, intellectuel et moral, ce qui veut dire pour leur émancipation sociale.

« En face du cabaret, du café-concert, de la réunion publique, nous nous proposons d’édifier nos universités populaires. »

M. Deherme indiquait ensuite la disposition matérielle intérieure, l’aménagement de ce qu’il appelait les « cathédrales de la démocratie : » salles de cours, de conférences et d’études, salles de spectacle, de gymnastique, de bains-douches, de conversation, bibliothèque, cabinet de consultations médicales, juridiques, économiques, office de placement, mutualité, etc.

La matière des cours était abandonnée à la compétence et à l’inspiration des conférenciers.

Adhésions et souscriptions vinrent assez vite et nombreuses.

En octobre 1898. après une période préparatoire dans une petite salle de la rue Paul-Bert, l’Université s’installait au numéro 157 de la rue du Faubourg Saint-Antoine, sous le toit d’un

  1. M. Deherme : la Coopération des idées, livraisons du 1er juillet 1903 et du 1er mai 1904.