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L’ART SIENNOIS
Á L’OCCASION D’UNE EXPOSITION RÉCENTE

La charmante ville de Sienne a ouvert une Exposition de son art d’autrefois. Tout ce qui touche Sienne ne peut manquer d’avoir pour des Français un intérêt particulier. Son histoire s’est mêlée à notre histoire, et son génie semble présenter quelques analogies avec le nôtre : génie enjoué, hardi, amoureux de chimères, d’ailleurs prompt aux crises, aux discordes, aux révolutions, et qui fait dire injustement beaucoup de mal des deux pays. Dante, qui ne nous aimait guère, ne laisse pas échapper ce trait. « Sienne ! s’écrie-t-il quelque part, est-il dans l’univers une engeance plus frivole ? Non vraiment, — pas même la France. » Et nous voilà damnés dans le même cercle des colères du poète !

Sienne est toute gaieté, tout caprice, toute fête. Nulle cité d’Italie n’est plus aimable, plus riante. Florence, ville de plaine, ville d’industrie et d’affaires, fourmille au bord de sa rivière qui apporte et charrie la fortune ; Pérouse est une citadelle ; Orvieto un donjon lugubre et désolé : Sienne ne pèse pas sur les sommets, elle les couronne. Légère, elle repose sur sa triple colline, comme un fronton sur trois colonnes ; c’est ainsi que la représente un de ses plus ingénieux artistes, telle qu’une belle offrande aux mains de la Vierge à genoux. Rarement la terre a-t-elle fait au ciel un plus noble présent, que celui de cette ville aérienne.

De l’une à l’autre de ses crêtes se creusent des vallons, et se suspend une ceinture de jardins et d’ombrages : ainsi des guirlandes se balancent entre les chapiteaux d’un portique. Une brise perpétuelle se joue dans ces verdures. Mais la vraie grâce