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d’Extrême-Orient, un des grands entrepôts du Pacifique. Tel était le résultat qu’escomptaient les Russes. M. Witte, à qui appartient la conception du plan que nous venons d’exposer, accomplit en Extrême-Orient, au cours de l’année 1903, un voyage d’inspection qui fut un des derniers actes de sa carrière administrative. Au retour de ce voyage, il déclarait, dans son rapport à l’Empereur, qu’il fallait s’efforcer d’attirer à Dalny, non seulement le commerce russe, mais aussi celui de toutes les nations étrangères. Il a toujours tenu bon contre les protestations de Vladivostok et soutenu qu’il était indispensable à la Russie de posséder à Dalny, en eau libre, un grand entrepôt franc, pourvu de l’outillage le plus moderne.

De tout cela, il ne reste plus aujourd’hui que des ruines. Les Russes ont détruit l’aménagement de Dalny, pour l’empêcher de tomber aux mains des Japonais. Mais il était nécessaire, pour faire saisir l’importance du Service maritime de l’Est-Chinois, de replacer cette entreprise dans son cadre, de montrer l’agencement du chemin de fer, du port et de la flotte commerciale, et d’exposer enfin à quelle colossale installation les Russes procédaient, au point terminus de leurs wagons.

L’Est-Chinois était donc une Compagnie naissante, qui entrait à peine dans sa période d’exploitation, et sur l’avenir de laquelle il était encore impossible de se prononcer. Elle avait déjà rencontré, du fait du climat et des circonstances locales, des difficultés sérieuses L’apparition de la peste en 1899 à Newchwang et au Japon avait entravé sa première année d’exploitation ; en 1900, ce fut l’insurrection des Boxers et la guerre de Chine ; en 1902. une épidémie de choléra ; cette année-ci, c’est la guerre russo-japonaise, qui suspend son trafic, arrête ses navires, bloque ses ports, détruit ses installations et met en question son existence, en même temps que l’avenir de la Russie dans ces parages.

Outre ces difficultés fortuites, le Service maritime de l’Est-Chinois devait toujours compter avec un certain nombre de difficultés permanentes. La navigation est très dure sur ces côtes enveloppées de brouillards, exposées aux orages, aux ouragans, et bordées par les glaces dans leur partie septentrionale. Le recrutement sur place de matelots, de mécaniciens, de pilotes est presque impossible et rend la constitution du personnel très onéreuse. Les ressources locales, en chantiers et ateliers de construction mécanique, sont insuffisantes et augmentent la durée et le