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San Stefano étant remis en question, la guerre menaçait de s’ensuivre avec l’Angleterre et l’Autriche. C’est surtout à Moscou que ce mouvement patriotique atteignit ses plus grandes proportions : la « Société impériale d’encouragement à la marine marchande russe » en prit la tête. Les mots de « flotte volontaire, » de « flotte patriotique, » prononcés pour la première fois dans le comité de cette Société, se répandirent avec la rapidité de l’éclair dans toute la Russie, pénétrant dans les provinces les plus éloignées, et furent acceptés comme l’expression pleine et entière de la pensée nationale.

Dès le 9 mars 1878, le comité de la Société d’encouragement décida de demander au gouvernement l’autorisation d’ouvrir, dans toutes les localités de l’Empire, une souscription pour l’achat de navires. L’empereur Alexandre il donna son autorisation. Le 22 mars, les membres de la Société, réunis en assemblée extraordinaire, décidèrent d’instituer à Moscou un comité central chargé de récolter les dons ; d’offrir au grand-duc héritier, plus tard le tsar Alexandre III, la présidence d’honneur, et au prince Dolgoroukof, gouverneur général de Moscou, la présidence effective de ce comité ; de solliciter le concours du Métropolite de Moscou, du clergé orthodoxe, des ministres de tous les autres cultes, de la noblesse, des zemstvos et des marchands ; de s’adresser à tous les gouverneurs en vue d’instituer chez eux des comités locaux, fonctionnant comme celui de Moscou ; enfin de distribuer à ces comités des publications expliquant le but et le rôle de la flotte à créer.

Le lendemain même, 2 mars, une députation partit pour Saint-Pétersbourg, afin de présenter sa requête au grand-duc héritier. Le Tsarévitch était souffrant et avait fermé sa porte ; mais, lorsqu’il fut informé de l’arrivée et du but de la députation, il reçut son président, accepta son offre et le félicita de son initiative.

Le comité se mit immédiatement à l’œuvre. On décida de transférer de Moscou à Saint-Pétersbourg les services concernant la création de la future flotte, et on institua une commission spéciale auprès de la personne du grand-duc héritier. Il fut convenu que les navires acquis, utilisés en temps de paix pour les besoins du commerce, seraient mis à la disposition du gouvernement en cas de guerre, en qualité de croiseurs auxiliaires ; que les recettes réalisées en temps de paix seraient exclusivement