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Cette gloire, c’était le réveil de l’Église d’Allemagne. A la servilité, l’initiative avait succédé : l’Eglise se sentait distincte dans l’Etat et se voulait libre dans l’Etat. La Prusse avait cédé dans la question des mariages mixtes ; elle avait renoncé, pour l’instant, à s’improviser théologienne ; Geissel commençait à Cologne un épiscopat auquel l’hermésianisme ne devait point survivre, et qui opposerait aux maximes fébroniennes un perpétuel démenti. L’exemple de la Prusse devenait une leçon pour les souverains des petits États protestans : l’heure était proche où ils devraient cesser d’être des rois sacristains. Car l’Église d’Allemagne, rajeunie par l’audace d’un vieillard, reprenait une fierté d’allure contre laquelle les bureaucraties laïques ne prévaudraient plus. Keller, le frôle prélat qui régnait à Rottenburg, avait cessé de craindre que les actes de ridicule tyrannie, qui pesaient sur la vie diocésaine, ne fussent évoqués devant la Chambre wurtembergeoise ; il se mettait lui-même à interpeller le ministère, directement. Et dans le catholicisme badois un souffle circulait, qui bientôt allait inspirer et soutenir les actes émancipateurs de l’archevêque Vicari.

« Depuis la Réforme, écrivait plus tard le cardinal Hergenroether, l’Eglise d’Allemagne n’a pas connu d’événement plus important que l’affaire de Cologne. » Et cela était vrai. Beaucoup d’âmes pieuses, au sein de la Réforme, déploraient cette façon de çésaro-papisme où s’étaient attardées, à l’encontre de la liberté des consciences, les diverses souverainetés protestantes ; mais que pesaient, en face du despotisme bureaucratique, les doléances des âmes pieuses ? En amenant le roi de Prusse à capituler, Droste-Vischering avait fait capituler tout un système d’administration ecclésiastique ; il avait brusquement interrompu des habitudes de tyrannie, vieilles de trois cents ans ; il fermait une période qu’avaient inaugurée, dès les débuts de la Réforme, les premiers adeptes couronnés de la confession nouvelle ; et longtemps en Allemagne, sur toutes les lèvres qui traduiront un soulèvement de consciences, c’est le langage de l’archevêque Droste qui continuera de retentir.


GEORGES GOYAU.