Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

revenait catholique. Frédéric-Guillaume III avouait à Metternich que jamais la foi romaine n’avait fait plus de progrès dans ses États.

Elle y progressait, en effet, non seulement par des conversions, mais aussi grâce à la formation d’une opinion laïque catholique, lentement mûrie et solidement exercée en vue du prochain avènement du régime parlementaire. Le jeune Auguste Reichensperger, qui plus tard illustrera le parti du centre, s’abandonnait, d’après son propre témoignage, à une crise de byronisme et de pessimisme, lorsque l’affaire de Cologne le ramena du terrain vague de la rêverie dans le champ clos de l’action. L’exemple donné par Droste avait fait pousser dans un certain nombre d’âmes, en une sorte de floraison juvénile, le sentiment de la responsabilité civique des catholiques : Maurice Lieber, le père du futur député du contre, publiait pour la défense de l’archevêque une dissertation juridique, qui lui valait d’être expulsé de Prusse plusieurs années durant ; le comte de Galen, qui représentait la Prusse à, Bruxelles, aimait mieux encourir la révocation que d’annoncer au cabinet belge, comme son roi lui en donnait l’ordre, que Droste avait été emprisonné pour menées révolutionnaires ; et l’État prussien, au même instant, perdait un fonctionnaire d’avenir dans la personne du jeune Guillaume-Emmanuel de Ketteler, qui, réputant impossible de « faire à l’État le sacrifice de sa conscience, » démissionnait du service de son roi : destiné peut-être par ses chefs à la présidence supérieure de quelque province, il devait, moins de quinze ans après, véritable objet de surprise, tracer à l’Église catholique d’Allemagne, du haut du siège de Mayence, un programme d’action désormais inoublié.


X

Dans la partie qu’il engageait avec l’Église, le roi de Prusse avait mal joué, et les trois sonnets, offensans pour le Saint-Siège, dans lesquels Bunsen se flattait d’avoir, en face du Vatican, installé la Réforme sur le Capitole, étaient pour Frédéric-Guillaume une insuffisante consolation. Ce n’était pas Droste, mais Frédéric-Guillaume, qui avait transformé une affaire diocésaine en affaire européenne, et ce n’était point la faute à Droste, mais à Frédéric-Guillaume, si le Pape avait été induit à parler, Goerres à écrire, et tout le clergé d’Allemagne mis en