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nouveau-né serait catholique, le haut fonctionnaire prussien protestant, qui incarnait la volonté du roi de Prusse, pouvait annihiler cette concession par un refus, ou même, s’il se trouvait en présence d’un salarié de l’Etat, le châtier par une disgrâce. les évêques, au nom de leurs maximes de temporisation, travaillaient pour que Rome n’intervînt point ; mais plus ils souhaitaient que Rome se fit discrète, plus Berlin s’ingérait. Heureusement, une autre puissance existait, puissance impatiente, à laquelle ils devaient avoir égard : c’était l’opinion d’un certain nombre de prêtres et de fidèles, qui connaissaient l’existence d’un bref, et voulaient que ce bref fût respecté. Sans prêter audience aux conseils du baron de Stein, qui avait maintes fois souhaité l’établissement, à la direction des cultes, d’une section composée de catholiques, et capable d’apprécier et de respecter les susceptibilités catholiques, le chancelier Hardenberg et son ministre Alstenstein avaient pris l’habitude de tout régler par des ukases ; et voici qu’Alstenstein se heurtait à la résistance passive d’une force qu’il avait ignorée : la conscience chrétienne.

Alors, pour rassurer et plier cette force, Bunsen et les bureaux berlinois appelèrent l’épiscopat à collaborer avec eux. Une interprétation du bref papal fut élaborée dans la chancellerie archiépiscopale de Cologne : elle servit de fondement pour la convention du 19 juin 1834, signée entre Spiegel et Bunsen. La convention se référait au bref, mais elle le falsifiait en prétendant l’appliquer. Elle concluait, dans son ensemble, à l’acceptation par le clergé de l’édit royal de 1825 ; elle ordonnait aux curés d’« abandonner entièrement la demande préalable d’une promesse, relativement à l’éducation des enfans dans la religion de l’un ou de l’autre époux ; » elle restreignait le plus possible les cas où le prêtre devait se borner à une assistance passive. En définitive, le Pape avait fait un bref pour s’opposer à l’édit de 1825 ; le pacte nouveau, qui portait la signature de Spiegel, inclinait devant cet édit l’épiscopat rhénan ; et c’était en apparence au nom du Pape, et en vertu du bref, que l’épiscopat consentait cette capitulation. L’archevêque s’était longtemps morfondu de ne jouer aucun rôle directeur dans la politique religieuse de son pays ; désormais, grâce à l’adresse de Bunsen, sa vanité était conquise ; il se considérait enfin comme un initiateur, mais l’initiative qu’il avait prise était celle d’un