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notre intelligence nous mène, parce qu’elle est la seule directrice que l’auteur de notre être nous ait donnée dès notre naissance, avec cette voix, parlant haut en notre for intime, qui nous commande de la suivre, où qu’elle nous mène.


C’est ainsi que la mystérieuse élaboration de l’acte de foi, pour laquelle, d’après la théologie classique, Dieu et l’homme collaborent ensemble, et qui comporte chez l’homme, non point seulement une démarche de l’intelligence, mais un élan de la volonté, était ramenée, dans le système d’Hermès, à quelque chose d’exclusivement intellectuel.

Il y a des théologiens qui font de la foi l’aboutissant d’un syllogisme ; ils se sentent tout à la fois conquis, reposés, défendus même par certains appareils de démonstration rigoureuse, et peu s’en faut qu’en pratique ils ne rendent presque superflue l’illumination de la grâce divine, tant sont lumineux leurs manuels ! L’intellectualisme d’Hermès n’a rien de commun avec cette école : imprégné de kantisme, au contraire, il connaissait l’inquiétude d’esprit, et cette raison par laquelle il se faisait conduire du doute à la foi était beaucoup moins la raison spéculative, que la raison pratique de Kant. Car la vérité et la réalité de l’histoire évangélique ne peuvent, d’après lui, être admises de telle façon que tout doute spéculatif soit exclu ; et il ne serait pas absurde, pour la raison spéculative, d’admettre que Jésus, en se disant Dieu, ait été trompeur ou trompé : c’est à la raison pratique de suppléer. Hermès, après avoir discuté si le Nouveau Testament et la tradition orale sont historiquement vrais « d’une façon extérieure, » remet à cette raison pratique le soin de décider si la doctrine de Jésus, telle qu’elle est proposée dans ce livre et dans cette tradition, est « intérieurement » vraie ; et c’en est assez pour deviner avec quelle force lui pouvait être adressé le reproche de subjectivisme. D’autant que la théologie morale, elle aussi, était évoquée par Hermès devant ce for intime de l’homme, et qu’à ses yeux les commandemens de Dieu n’acquéraient force obligatoire qu’en tant qu’ils étaient intérieurement, après examen de leur objet, reconnus conformes aux exigences de la raison pratique.

Clément-Auguste de Droste-Vischering, administrateur du diocèse de Münster, fut l’un des premiers, en Allemagne, à s’émouvoir de ces doctrines : il interdit aux séminaristes westphaliens de faire leurs études à Bonn, où professait Hermès. La