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qui se présentaient. Lorsqu’en 1830, au Parlement wurtembergeois, le baron de Hornstein protestait contre les 39 articles, l’évêque Keller s’effrayait de cette audace ; lorsqu’en 1837 Andlau déclarait son intention de réclamer du Parlement badois quelque liberté pour la juridiction épiscopale, l’archevêque de Fribourg le suppliait de se taire ; lorsqu’en 4839, au Parlement hessois, Kertell se plaignait de l’ingérence de l’Etat dans l’éducation des clercs, l’évêque Kaiser ne le soutenait qu’avec mollesse. Parmi la compression générale qui pesait sur l’Eglise, les diètes locales étaient qualifiées pour intervenir ; dans ces petits États rétrécis, elles avaient un écho sonore et qui pouvait à la longue devenir efficace ; mais gouvernemens et prélats s’accordaient à merveille, pour bannir de ces assemblées la question religieuse.

Les correspondances du temps témoignent à profusion du degré de considération que méritait à ces pasteurs, dans l’opinion catholique, leur façon d’agir ou plutôt de n’agir point. Clément Brentano déplorait amèrement, en 1825, que les évêques n’eussent pas pris occasion du grand jubilé pour attester leur entente et le lien qui les attachait à Rome. « Si l’épiscopat uni élevait sa voix, disait Dœllinger en 1826, alors on obtiendrait, sans nul doute, un bon résultat ; mais voyez, nos évêques se tiennent tranquillement assis, ils se taisent, et couvent des œufs stériles. » Raess, le futur archevêque de Strasbourg, ne parlait pas autrement. « Si nous avions des évêques, écrivait-il à Goerres, des évêques comme ils doivent être ! L’impulsion d’en haut, si elle n’est pas absolument nécessaire, est du moins très désirable. » « Que doit-il advenir, soupirait à son tour Goerres, si les pasteurs eux-mêmes sont des moutons qu’on se borne à dresser à porter la houlette, comme l’agneau de Dieu portait sa croix sur ses épaules, mais qui par ailleurs ne peuvent rien, ne veulent rien, ne désirent rien… » Et Goerres ajoutait (c’était en 1826) : « Tout autre est l’esprit de l’épiscopat français. » Ketteler, à son tour, le futur évoque de Mayence, se plaignait, en 1840, que l’épiscopat allemand eût perdu l’habitude catholique de la solidarité : « Dans l’âme de beaucoup de catholiques, expliquait-il, s’est glissée l’image d’une bureaucratie morte, où chacun agit sur son terrain, dans son ressort, et, par ailleurs, n’a besoin de s’occuper de personne. »