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on lui concéda le droit de nomination pour quinze cures du royaume, cela fut regardé comme un joli cadeau. Des communiqués officiels fixaient les prescriptions liturgiques que l’Eglise devait exécuter. Défense était faite à Dieu par le roi de Wurtemberg d’empiéter avec trop d’importunité sur les loisirs des sujets : l’évêque enregistrait la défense, et la subissait. En vertu d’une ordonnance, sorte de loi somptuaire qui limitait les munificences de l’homme envers le Très-Haut, il était interdit de célébrer plus d’une messe dans chaque église, les jours de semaine ; interdit de commémorer par quelque pieuse pratique les anciennes fêtes d’obligation déchues au rang des fêtes de dévotion ; interdit d’offrir à la Madone des ex-voto et des cierges, et d’exposer des reliques ; interdit d’avoir, dans une paroisse, plus d’une confrérie, et, pour cette confrérie, plus d’une fête annuelle. On multipliait les précautions raffinées : de crainte que les fidèles d’une paroisse ne s’en fussent s’agenouiller au pied d’un tabernacle voisin, toutes les fêtes de confréries, sur tout le territoire, devaient se célébrer le jour de l’Assomption : à l’évêque de s’arranger pour que ses ouailles, le 15 août au soir, fussent quittes envers le ciel. Les pèlerinages étaient jalousement surveillés : les images miraculeuses devaient se contenter d’un seul hommage, celui du prêtre attaché à leur chapelle : tout autre ecclésiastique était frustré du droit de dire la messe en leur honneur. Il n’était pas jusqu’au sacrement de pénitence sur lequel la bureaucratie n’eût ses idées : elle invitait les confesseurs à se contenter d’une déclaration générale du fidèle attestant qu’il avait péché. Il était temps qu’au XIXe siècle la divinité devînt enfin discrète ; ainsi le voulait le roi de Wurtemberg.

Le gouvernement badois, lui, intervenait peut-être moins avant dans les affaires de sacristie, mais s’intéressait plus activement encore à la conduite des presbytères. Sur quatre-vingt-quatre paroisses, il en était vingt-quatre seulement, pour lesquelles le Grand-Duc concédait à l’archevêque de Fribourg un droit de présentation : partout ailleurs, l’Etat faisait le curé, et signifiait à l’archevêque, sans commentaires, les nominations et les déplacemens de ses prêtres. Ce n’était point assez : par-dessus les curés que nommait l’Etat, mais qui, canoniquement, dépendaient de la curie archiépiscopale, le Grand-Duc voulait avoir ses doyens à lui, chargés de surveiller en son nom tous les prêtres d’un district. On faisait à l’archevêque la faveur de lui laisser