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démocratiques, et non à exproprier la bourgeoisie[1]. Il s’agit donc de réviser en ce sens le programme et la tactique du parti socialiste Le révisionnisme ne fut d’abord qu’une opposition littéraire condamnée à chaque Congrès de la social-démocratie allemande. Il prit figure de question pratique, au lendemain des dernières élections au Reichstag, quand se posa la question de savoir si les socialistes exigeraient un siège à la vice-présidence, au prix d’une visite obligée à Guillaume II, à ce même Empereur qui désignait les socialistes comme une cible à ses soldats. Devant l’altitude du gouvernement, et au lendemain d’un triomphe électoral, n’était-ce pas pour les socialistes une humiliation, un aveu de faiblesse et d’impuissance, une trahison à l’égard de leurs électeurs, que de risquer une pareille démarche ? La motion que Bebel et Kautsky firent voter au Congrès de Dresde, par la presque unanimité des délégués, devait couper court à ces premières velléités d’avances à la monarchie impériale. « Le Congrès, disait cette motion, condamne de la façon la plus énergique les tentatives révisionnistes, tendant à changer notre tactique éprouvée et victorieuse, basée sur la lutte de classes, et à remplacer la conquête du pouvoir politique, de haute lutte contre la bourgeoisie, par une politique de concessions à l’ordre établi… Les antagonismes de classes, loin de diminuer, vont s’accentuant… C’est pourquoi le Congrès déclare que la démocratie socialiste ne saurait viser à aucune participation au gouvernement dans la société bourgeoise, et ce conformément à l’ordre du jour Kautsky, voté au Congrès international de Paris en 1900. Enfin le Congrès compte que le groupe parlementaire se servira de sa puissance accrue, pour persévérer dans sa propagande pour le but final (l’expropriation de la bourgeoisie et l’établissement du collectivisme). »

Le révisionnisme ne se manifestait pas seulement en Allemagne. M. Turati s’en était fait le champion en Italie, et il eût peut-être accepté le portefeuille que lui offrait M. Giolitti, s’il n’avait eu à compter avec l’opposition des socialistes intransigeans révolutionnaires. M. Turati fut condamné au Congrès de Bologne ; et le parti socialiste italien est menacé d’une scission, par le fait de M. Turati, que les révolutionnaires cherchent à retenir, tandis qu’il veut les quitter. Les mêmes tendances

  1. Voir notre article sur la Crise du socialisme dans la Revue du 15 septembre 1899.