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de guerre vis-à-vis de la bourgeoisie. Le Congrès se prononça pour la guerre. Mais, entre M. Guesde qui excluait toute participation ministérielle, et M. Jaurès qui prétendait faire de cette participation constante, à jet continu, la règle même du socialisme dans des Républiques comme la France, le Congrès adopta la célèbre motion Kautsky. Cette motion déclarait tout d’abord contre les anarchistes : « que la conquête du pouvoir politique ne peut être le résultat d’un coup de main, mais bien d’un long et pénible travail d’organisation politique et économique. » Puis, contre les réformistes ministériels, la motion disait : « que l’entrée d’un socialiste isolé dans un gouvernement bourgeois est une expérience dangereuse, un expédient forcé, transitoire, exceptionnel, une question à trancher dans chaque parti, dont le ministre socialiste doit toujours rester le mandataire. »

La tactique allemande dictait donc encore ses règles, au Congrès de 1900, comme aux précédens Congrès. A l’occasion de ce vote, une scission se produisit dans le parti socialiste français mal unifié : chacun interpréta à sa manière l’oracle de M. Kautsky, jusqu’au jour où M. Millerand fut exclu de sa propre organisation et rejeté dans le camp radical.

Le réformisme n’est pas spécial à la France. Les deux tendances, révolutionnaire et réformiste, au début même du mouvement socialiste, s’incarnèrent en Marx et en Lassalle, et divisèrent le parti allemand en marxistes et en lassalliens. Les deux sectes finirent par se fondre en un seul parti, mais les tendances subsistèrent et se firent jour, lorsque fut abrogée la loi contre les socialistes, dans d’ardentes polémiques entre Vollmar et la majorité du parti socialiste allemand. Vollmar préconisait la tactique d’alliance gouvernementale. Il fut puissamment secondé par Bernstein, un marxiste de la première heure, qui révisa le marxisme, contesta les prétendues lois de Marx sur la paupérisation des masses, sur les crises catastrophiques, et appuya la nécessité d’un changement de tactique sur une critique des théories en harmonie avec l’observation des faits. Si la société capitaliste ne marche pas à une catastrophe prochaine, destinée à ouvrir l’ère collectiviste, il s’agit de ne plus se laisser hypnotiser par le but final, mais bien de travaillera des réformes de chaque jour. Les classes ouvrières ne possèdent ni la maturité politique, ni la capacité industrielle. Le socialisme consiste à les organiser, à les éduquer, à réaliser des progrès dans les institutions