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que 16 000 membres cotisans : ils ont fait élire 13 députés à la Chambre, et leurs candidatures multiples ont réuni 487 000 suffrages. Quant aux jauressistes, ils ne dépassent pas 8 500 membres organisés, auxquels on a peine à arracher 30 centimes de cotisation par an ! Malgré un nombre si minime d’adhérens, qui diminue d’une année à l’autre, les jauressistes ont obtenu 406 377 voix aux dernières élections, un peu plus d’une trentaine de sièges à la Chambre, et, alliés aux radicaux et à 25 000 francs-maçons, ils gouvernent la Chambre, le Ministère et 38 millions de Français.

Si l’on excepte la France, on peut estimer que, depuis le dernier Congrès international, il y a progrès pour les organisations socialistes permanentes des divers pays. Quant aux fractions socialistes dans les Parlemens, il faut enregistrer des succès et des revers. Les Allemands tiennent de beaucoup la tête, avec leurs trois millions de voix, qui les ont mis au premier rang des partis allemands dans le corps électoral, et au second rang au Reichstag avec leurs 81 députés. De 1898 à 1903, ils ont gagné 900 000 voix. Ils n’ont devant eux que le centre catholique pour leur barrer la route ; mais ils subissent des échecs aux élections partielles, grâce au zèle de presque tous les partis à se grouper contre eux. Les Belges, au nombre de 28 députés, ont perdu sept mandats au dernier renouvellement de la Chambre, mais au profit des libéraux, lesquels, s’ils arrivent au pouvoir, ne pourront se passer du concours des socialistes. En 1900, les socialistes autrichiens ont perdu cinq sièges, et leur douzaine de députés ne joue au Reichsrath qu’un rôle modeste. En Italie, les socialistes comptent 42 000 membres régulièrement cotisans ; ils sont 27 au Parlement ; ils ont vu M. Giolitti, au début de son ministère, rechercher leur concours et leur offrir un portefeuille.

L’événement le plus remarquable qui se soit accompli, depuis 1900, a été non pas l’accession au pouvoir de quelque socialiste isolé, mais bien la constitution en Australie d’un ministère entièrement socialiste, exclusivement composé, à l’exception d’un seul de ses membres, d’ouvriers appelés au pouvoir par lord Northcote. Le collectivisme du ministère Watson s’est aussitôt réduit à une question d’arbitrage et de retraites. Ce cabinet socialiste a manifesté les affinités les plus marquées pour le protectionnisme et le nationalisme. Il est tombé, le mois dernier, après cent jours,