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Pline, dans son histoire naturelle, renchérit encore sur cette manière de voir, et il mentionne la découverte, faite dans une montagne de Crète, d’un squelette humain haut de six coudées, c’est-à-dire de plus de 20 mètres.

Les modernes n’ont pas eu d’autres opinions que les anciens sur tous ces points. Les historiens des pays du Nord ont célébré en bien des endroits la taille gigantesque des anciens habitans de la Scandinavie.

Ces croyances au sujet de la stature colossale des premiers hommes et de sa diminution continuelle au cours des temps, semblaient vérifiées par les découvertes d’ossemens gigantesques que l’on trouvait dans d’anciens tombeaux. Lecat a fait mention de tombeaux où l’on a trouvé des os de prétendus géans de quinze, vingt, trente et trente-deux pieds de hauteur. À ce moment, les savans n’étaient déjà plus dupes de ces rencontres. On savait enfin, à cette époque, c’est-à-dire dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, que ces énormes ossemens n’étaient point des os humains et qu’ils appartenaient à de grands animaux. C’étaient, de l’avis de Buffon, des os de cheval ou d’éléphant ; car, ajoute-t-il « il y a eu des temps où l’on enterrait les guerriers avec leur cheval, peut-être avec leur éléphant de guerre. »

Mais, en des temps moins éclairés, ces débris animaux avaient été pris pour ceux de géans immenses, et vénérés comme tels. Ils étaient quelquefois exposés à la porte des cathédrales. D’après Langer, cité par MM. Launois et Roy, on pouvait voir, encore en 1872, sous le porche de la chapelle du château de Cracovie, une exhibition de ce genre composée d’os de mastodonte, d’un crâne de rhinocéros et d’une demi-mâchoire de cétacé.

De toutes ces trouvailles, la plus célèbre, à cause des discussions auxquelles elle a donné lieu, fut celle que firent, en 1613, dans les environs de Romans en Dauphiné, des ouvriers occupés à tirer du sable. Ils mirent au jour, auprès d’une bâtisse de briques, un squelette de 25 pieds de longueur. On prétendit avoir découvert dans le voisinage des médailles à l’effigie de Marius. C’en fut assez pour que l’on supposât que ces ossemens appartenaient au géant Teutobochus. roi des Teutons, vaincu par Marius aux environs d’Aix en l’an 102 avant Jésus-Christ et mort bientôt après. Jean Riolan, médecin et anatomiste habile, traita d’erreur et d’imposture cette attribution inacceptable. D’autres, comme Guillemeau, chirurgien du roi, et Nicolas Habicot, la