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à moins que ce ne fussent les pygmées. Encore aujourd’hui, ce sont des contes de géans qui bercent notre enfance. La question de la réalité de leur existence intéresse la curiosité universelle. Aussi ne faut-il pas s’étonner qu’elle ait donné lieu entre savans à d’interminables discussions et fait couler des flots d’une encre vaine.

De tous ces écrits, de ces innombrables gigantomachies, gigantologies et antigigantologies, rien ne reste et n’était digne de rester. Les écrits récens valent mieux. Le problème se présente à nous aujourd’hui d’une manière plus utile qu’il ne faisait devant nos prédécesseurs. Nous sommes mieux documentés qu’eux. Nous sommes en mesure de savoir si la taille de l’homme a varié aux diverses époques préhistoriques et historiques ; s’il a existé des groupes, des agglomérations de colosses humains méritant le nom de races de géans ; et, puisqu’il est incontestable que des individus d’une taille démesurée apparaissent de temps à autre, individus que nous qualifions de géans, il a bien fallu en entreprendre l’étude systématique. Les fruits en ont été précieux. On commence à pénétrer la signification et les raisons d’être de ces productions monstrueuses. Enfin nous savons pourquoi ces individus colossaux ne peuvent créer et perpétuer des êtres semblables à eux-mêmes.

Ces questions intéressent deux sciences différentes, l’anthropologie, d’une part, la médecine, de l’autre. Les progrès de nos connaissances viennent de ces deux sources. Nous ne voudrions, aujourd’hui, parler que de l’une d’elles. Nous voudrions entretenir nos lecteurs de ce que l’anthropologie contemporaine a apporté de lumières sur ces problèmes. La part de la médecine viendra plus tard. Son heureuse intervention dans l’explication des causes du gigantisme forme un sujet assez bien défini et délimité pour pouvoir, sans inconvénient, être examiné à part. Nous n’en dirons ici qu’un mot.

Les anthropologistes ont appliqué la règle et le compas à l’examen de l’homme primitif. Ils ont métré, en totalité et en détail, les restes de l’ancêtre humain qui vivait aux époques géologiques, de l’humble tailleur de pierres de l’époque quaternaire ou de l’aurore de la période actuelle. L’imagination populaire l’avait démesurément grandi ; ils l’ont fait passer sous la toise et lui ont trouvé une stature non pas gigantesque, mais médiocre. Les anthropologistes ont encore examiné les