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connaît les maisons de campagne de Pline se rend très bien compte de celles de Pollius : il suffit d’enrichir la décoration intérieure et l’ameublement. Inversement, qui connaît la villa d’Hadrien se fait une idée assez exacte des villas de Pline : il faut tout réduire, ramener les énormes proportions à des proportions plus modestes, le luxe pompeux à la simplicité, au moins à une sobre élégance. Au total, différence de degré, mais non pas différence de nature.


IV

Une question se pose d’elle-même avant de terminer. Sans vouloir la traiter entièrement, nous ne pouvons nous dispenser de l’indiquer en quelques mots. Tous ces Romains qui bâtissaient des maisons de campagne, — avec quel empressement, on l’a vu, — aimaient-ils vraiment la campagne ? Pour le savoir, cherchons comment à l’ordinaire ils employaient leur temps en villégiature.

Ici encore, Pline le Jeune sera notre guide. Suivons-le au cours d’une de ses journées ; il nous renseigne par le menu sur ses différentes occupations. C’est à son ami Fuscus qu’il écrit : la lettre vaut qu’on la cite en partie : « Tu demandes comment je règle ma journée en été dans ma terre de Toscane ? Je m’éveille quand je puis, d’habitude vers six heures, quelquefois plus tôt, rarement plus tard. Je tiens mes fenêtres fermées, car le silence et les ténèbres animent mon esprit, qui, n’étant point distrait, demeure libre et tout entier à ma disposition… Si j’ai quelque ouvrage en train, j’y porte ma pensée ; je range jusqu’aux paroles, comme si j’écrivais et corrigeais. Je travaille ainsi, tantôt plus, tantôt moins, selon que je me trouve plus ou moins de facilité à composer et à retenir. J’appelle alors un secrétaire, je fais ouvrir les fenêtres et je dicte ce que j’ai formé dans mon esprit. Dix ou onze heures venues, je vais, selon que le temps m’y invite, me promener dans une allée ou dans une galerie, et, pendant ma promenade, je ne cesse pas de composer et de dicter. Ensuite je monte en voiture ; là encore, je poursuis mon ouvrage. Après un léger sommeil, nouvelle promenade ; puis lecture à haute voix de quelque harangue grecque ou latine. Je rue promène encore, je me frotte d’huile, je fais un peu d’exercice, je me baigne. Vient alors le repas du soir ; si je dîne avec