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l’avantage d’un air plus vif. Ajoutez des vérandas, ombragées jusqu’au faîte de vigne grimpante, à ce point qu’on se figure être couché dans un bois, des cabinets de repos très isolés, situés dans les parties reculées de la villa, où l’on peut travailler sans être troublé par rien au monde, où l’on se sent à mille lieues de Rome, à mille lieues même de chez soi. Et tout cela, diverses chambres d’un corps de logis, divers corps de logis, constructions de toute sorte, se trouve élevé un peu au hasard, sans recherche de symétrie, sans souci de belle ordonnance, au fur et à mesure des besoins, avec un manque d’harmonie et un laisser-aller qui étonne et nous choquerait à coup sûr, si l’ensemble se dressait encore sous nos yeux. C’est une agglomération ou mieux une juxtaposition, plutôt que ce n’est un tout ayant de l’unité. Les Romains, évidemment, ne tenaient pas à la symétrie. La chose peut étonner chez un peuple si ami de l’ordre dans l’Etat et dans la famille, si épris de régularité dans les habitudes de la vie. Mais nous devons en prendre notre parti. Déjà le forum de leur capitale, centre de leur vie publique, résumé et symbole, pour ainsi dire, de leur histoire, n’offrait qu’un entassement extraordinaire, plus singulier qu’heureux et plus confus que pittoresque, de temples, de basiliques, d’arcs de triomphe, de passages voûtés, de colonnes et d’édicules. A plus forte raison, pour leurs maisons de campagne, se préoccupaient-ils moins encore de l’apparence extérieure et de l’effet général. Il faut savoir reconnaître leurs lacunes ; ils étaient peu artistes, et de là l’irrégularité de leurs constructions. Mais il faut aussi reconnaître leur sens pratique : ils voulaient avant tout être logés à l’aise. Si des bâtimens de toute forme et de toute dimension, répartis de divers côtés sans aucun plan, devaient être plus commodes qu’une suite d’édifices à la façade symétrique, ils sacrifiaient sans hésiter l’harmonie de l’architecture au confortable de l’existence. Cette impression d’entassement et de surcharge est bien celle qu’on emporte d’une visite à la villa d’Hadrien, quand par l’imagination on a relevé toutes les ruines à terre ; c’est celle aussi que les descriptions de Stace nous laissaient. Les lettres de Pline la confirment d’une façon décisive.

Une dernière analogie rapproche la maison toscane de Tifernum des demeures plus brillantes que nous avons décrites d’abord : c’est l’abondance des eaux vives qui partout circulent, dans les chambres, dans les vestibules, courant le long de petits