Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la ville, on passait aisément par-dessus un danger incertain. pour jouir d’une commodité assurée.

Si les Romains, au risque de quelque péril, fréquentaient les environs d’Ostie, à plus forte raison Tibur, situé au-dessus des exhalaisons de la campagne, sur la pente des Apennins, devait-il être très recherché. Rien de plus sain en effet que l’exposition de ce bourg. Protégé contre les vents du midi, tourné vers l’ouest, il s’ouvre à la brise rafraîchissante de la mer et ne reçoit du soleil, déjà sur son déclin, que les rayons obliques et attiédis. Aussi les villas ne tardèrent pas à s’étager en amphithéâtre sur les flancs de la gracieuse colline. Dès le temps de César, le poète Catulle remerciait Tibur de l’avoir guéri d’une toux persistante contractée à Rome, et qui lui déchirait la poitrine. Pourtant ce fut après Actium, sous Auguste, qu’il devint surtout le lieu de prédilection de tous les gens distingués.

Il s’y prêtait, avec sa verdure, ses bois d’oliviers, ses frais vergers arrosés d’une onde pure, les cascades sonores de son fleuve, ses grottes pleines d’ombre. Qui ne sait avec quelle constante admiration Horace en a célébré les beautés ? Il souhaitait d’y reposer sa vieillesse. Aucun séjour, non pas même Tarente, la molle Tarente et ses grasses campagnes que traverse le Galèse, ne lui paraissait comparable au bosquet sacré de Tiburnus et à la fontaine de la nymphe Albunée. Ce n’est pas là cependant qu’il posséda son petit domaine. La terre que Mécène lui avait donnée se trouvait plus avant dans la Sabine, dans une partie plus sauvage de la montagne. Mais, pour y aller ou en revenir, il passait par Tibur. Soyons sûrs qu’il s’y arrêtait. Il y avait assez d’amis désireux de le recevoir, et ses descriptions du pays si précises attestent qu’il en avait maintes fois et longuement savouré tout le charme. Il est impossible aujourd’hui de longer la vallée et de gravir la colline, sans que le souvenir de l’aimable poète se présente aussitôt à l’esprit. Horace et Tibur sont devenus inséparables.

Mais si l’ami de Mécène a fait plus que tout autre pour la réputation. de l’endroit, il n’est pas seul à y avoir contribué,


Et l’Anio murmure encore
Le doux nom de Cynthie aux rochers de Tibur.


Que de personnages illustres de l’époque, que de femmes charmantes, que d’écrivains appliqués à chanter les peines et les