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envier aux gymnases helléniques. A peine était-il devenu propriétaire à Tusculum, qu’il avait écrit à son ami Atticus de lui expédier de Grèce, sans regarder à la dépense ni craindre « d’épuiser son coffre, » « tout ce qui lui paraîtrait digne » de sa nouvelle demeure : statues en marbre de Mégare, hermès en pentélique et têtes de bronze pour l’Académie, bas-reliefs à encastrer dans la paroi de son atrium, couvercles de puits à figures sculptées pour sa terrasse. L’affranchi Tiron s’occupait de sa bibliothèque, la rangeait, en dressait le catalogue. Une allée couverte, en l’abritant du soleil et de la pluie, lui permettait de faire des promenades par tous les temps. Il y avait disposé, de distance en distance, des sièges en forme d’exèdres qui invitaient au repos. Par-devant, s’étendait peut-être la pelouse où il s’asseyait avec Brutus et Atticus pour passer en revue les maîtres de l’éloquence. Non loin, la statue de Platon, le philosophe préféré, semblait par sa gravité souriante donner le ton à l’entretien, et présidait aux causeries à la fois doctes et enjouées. Vraiment, il y avait dans sa villa de quoi satisfaire tous les goûts d’un artiste et d’un lettré comme lui, et nous comprenons qu’il y ait été si heureux.


II

Ainsi, vers la fin de la République, les Romains, longtemps réfractaires aux plaisirs de la campagne, avaient fini les uns ou les autres par trouver quelque motif de s’y laisser gagner. A Tusculum même, parmi les voisins de Cicéron, outre Lucullus, Hortensius et Pompée, nous pourrions citer d’autres noms que l’histoire a retenus : Brutus, le meurtrier de César, M. Æmilius Scaurus, célèbre par son théâtre dont la scène était de marbre, de verre et d’or, Lentulus Spinther, qui fit rappeler d’exil le grand orateur, Gabinius, tribun, consul et gouverneur de Syrie, l’historien Luccéius, l’Espagnol Cornélius Balbus, homme de confiance et d’affaires du dictateur. Après l’établissement de l’Empire, c’est bien autre chose encore. À ces magistrats chargés du gouvernement de la cité, à ces orateurs qui vivaient sur la place publique dans le tumulte des passions populaires, Auguste, devenu le maître unique, fait des loisirs. Plus que jamais, on se rejette vers la littérature, qui est un dérivatif pour beaucoup d’activités laissées sans emploi. En même temps, la vie de société