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courriers, il est toujours, et vite, renseigné sur les affaires publiques. Aussi n’a-t-il préféré aucune maison de campagne à cette ancienne propriété de Sylla. Nulle part, en dehors de Rome, il n’a plus souvent séjourné. Il l’avait achetée de bonne heure, dès qu’il était devenu un personnage, empruntant même pour s’acquitter, tant il avait hâte d’en jouir. Il s’y était retiré dans les épreuves, après Pharsale et la chute de la République. Il s’y trouvait encore avec son frère Quintus, pendant les proscriptions. C’est là qu’il apprit qu’Octave avait livré sa tête à Antoine ; c’est de là qu’il partit, pour tomber quelques jours après sous le poignard des meurtriers lancés à sa poursuite.

Cette maison, qui a tenu tant de place dans ses pensées, qui a été étroitement associée à sa vie littéraire et politique, qu’il n’a cessé d’agrandir et d’orner, nous voudrions la connaître, en découvrir au moins quelques vestiges sur la hauteur où était bâti l’antique Tusculum. Mais, au milieu de ces pierres, qui n’offrent qu’un amas confus de ruines, il est impossible d’en distinguer l’emplacement avec exactitude. Nous savons seulement qu’elle était située au-dessus de la ville moderne de Frascati, sur le versant de la colline, et que les terres dont elle était entourée descendaient jusqu’à la plaine. Un ruisseau la traversait, l’Aqua Craba, dont l’eau, moyennant une redevance payée au municipe, était utilisée pour l’entretien et l’embellissement du domaine. Cicéron, dans un passage bien connu du de Finibus, songeant au petit bois d’Académos où Platon instruisait ses disciples, au bourg de Colone, patrie de Sophocle, aux jardins d’Epicure, parle de l’émotion qu’on éprouve à visiter les endroits célèbres, et des souvenirs qui vous assaillent en foule, là où des grands hommes ont vécu, pensé, enseigné. Privé de la vue directe des lieux, ces évocateurs du passé, il tenait encore à retrouver sur le sol même de l’Italie quelque chose des impressions que lui avait causées son voyage de Grèce. Aussi avait-il attaché à certaines parties de sa villa des noms glorieux, qui sans cesse lui rappelaient Athènes. Le bas de la propriété et le gymnase inférieur, c’était son « Académie, » où l’on descendait surtout dans la seconde partie du jour. Un autre gymnase placé plus haut s’appelait, en l’honneur d’Aristote, le « Lycée. » Et ces gymnases, — ou ces palestres, comme il disait encore, faisant toujours allusion aux joutes philosophiques qui s’y livraient, — étaient remplis d’œuvres d’art : il fallait qu’on n’eût rien à