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des réunions somptueuses, et se nouaient mille intrigues galantes. Telle était cependant la séduction du pays, du climat, du ciel, des flots, qu’il se risquait jusque sur ces rivages mal famés, — pour en repartir bientôt il est vrai, chassé par le bruit des fêtes qui se faisaient importunes à la longue, et soucieux de ne pas compromettre trop longtemps sa réputation d’homme grave au milieu de ce tourbillon de plaisirs. A Formies ou à Antium, en revanche, il pouvait demeurer tout à sa guise, sans encourir les reproches d’un Caton ou les accusations violentes d’un Clodius. C’était une joie pour lui, près de la mer du Latium, de se livrer au repos, de lire paresseusement quelque ouvrage, ou de se promener en regardant les vagues qui déferlaient sur la plage. Formies aussi lui aurait paru un délicieux séjour, s’il y avait été davantage à l’abri des importuns. Mais les fâcheux y abondent, des fâcheux de Rome qui viennent le relancer jusque-là et, malgré ses prières, refusent de s’en retourner : ils veulent lui tenir compagnie et passer les journées à philosopher avec lui. « Ce n’est plus une villa, s’écrie alors Cicéron éperdu, c’est une salle publique. » Que faire ? Comment leur échapper ? Vite, « courons à nos chères montagnes, au berceau de notre enfance ! » Et le voilà en route pour Arpinum, à l’entrée des Abruzzes. Tout d’abord, cette nature sauvage l’enchante ; « il ne rêve plus que rochers. » Mais avec son incroyable mobilité d’impressions, il ne tarde pas à changer de sentiment. Bientôt l’éloignement lui pèse. Cet enragé de solitude trouve maintenant qu’il est trop seul. A Formies déjà, il se plaignait d’être comme au bout du monde, sans nouvelles de Rome et des événemens qui s’y passent. Au fond, il ne peut pas renoncer à la politique. Il a beau déclarer, par momens, qu’il lui dit adieu pour toujours : promesse impossible à tenir ! Il quitte Arpinum, il quitte Formies et revient avec bonheur s’installer à Tusculum.

Là au moins il est près de Rome. Des jardins aux portes mêmes de la ville lui auraient plu assurément davantage ; mais le terrain y est cher, et il faut être Pompée ou Lucullus pour se payer cette coûteuse fantaisie. A défaut des bords du Tibre, les monts Albains le satisfont encore et lui procurent cette résidence de banlieue, ce suburbanum, dont il avoue qu’il ne se passerait pas volontiers. Il peut s’y rendre en tout temps, au premier loisir, et, quand il y prolonge sa villégiature, il n’y reste pas étranger aux bruits du dehors : par des amis, par des