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d’éviter des conflits, » et, pour les prévenir, conclut que « les autres fonctions peuvent être confiées aux patriotes du département[1]. »

Une agitation plus forte, aux causes plus multiples, troublait l’ancien comté de Nice. Il n’était français que depuis 1860. Les Niçois s’étaient unis à la fortune de l’Empire. La défaite enlevait à la France son principal titre à leur attachement : notre infortune leur semblait un abus de confiance, et la tentation était née de mettre à profit le désastre pour abandonner ceux qu’abandonnait le bonheur. La rivalité entre républicains et conservateurs se compliquait là d’une lutte entre partisans de la France et fauteurs d’un retour à l’Italie : complication d’autant plus dangereuse que, dans chacun des partis politiques les partis nationaux se heurtaient, et dans chaque parti national les partis politiques. Les plus nombreux des Niçois qui souhaitaient le retour à l’Italie, — et c’était la majorité de la population annexée, — étaient des conservateurs attachés aux institutions monarchistes ; mais une minorité, non moins italienne de cœur, avait pour idole le plus bruyant citoyen de Nice, Garibaldi, et comme lui voulait la république et la révolution. Les partisans de la France n’étaient pas moins divisés. Les Niçois d’origine les plus fidèles à leur nouvelle patrie avaient beaucoup reçu, et attendu plus encore, de Napoléon III : leurs souvenirs et leurs espoirs protestaient contre l’avènement de la République. Elle était au contraire souhaitée par les Français d’origine qui habitaient Nice. Les principaux avaient contre la dictature du second Empire cherché refuge dans la ville, alors italienne. Quand elle était devenue française, ils y étaient demeurés en sûreté, puisque l’Empire se sentait assez fort pour devenir doux, mais eux n’avaient rien pardonné. Le 4 septembre, ils voulurent substituer, aux fonctionnaires du régime déchu, un comité choisi par eux et soutenu par leur journal, le Réveil de Nice, et ne se demandèrent pas si ce n’était pas servir d’autres passions qu’ils condamnaient. Rien de violent n’avait chance de réussir, sans les Niçois républicains-de programme, mais séparatistes de volonté. Certains que tout gouvernement de la rue serait à eux, ils se laissent pousser par des Français à une action contraire à la France. Le préfet Gavini les devine, les devance et, dès le matin du 5 septembre, à délégué

  1. Id., p. 972 à 976.