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le gouvernement à M. de Freycinet. Cet ingénieur s’était renfermé dans ses fonctions, tant que l’Empire avait été une monarchie absolue : satisfait par les réformes libérales, il s’était présenté avec succès au conseil général du Tarn-et-Garonne, et l’Empire, qu’il s’abstenait d’attaquer, ne l’avait pas combattu. Il n’en faut pas plus aux exaltés de Montauban pour le déclarer « réactionnaire, » signifier qu’ils ne l’acceptent pas, et prévenir que, s’il paraît, la commission départementale se retirera. Freycinet s’installe : la commission, au lieu de se retirer, prétend rester à côté de lui et qu’il lui obéisse. Il refuse, et, durant une semaine, administre seul le département paisible. Les démagogues du chef-lieu vont être convaincus d’impuissance : la démagogie toulousaine leur vient en aide. Sollicité par eux, le proconsul qui gouverne la Haute-Garonne, Duportal, télégraphie au gouvernement, le 13 septembre : « Pour éviter une émeute à Montauban ce soir, il est indispensable d’adjoindre provisoirement la commission départementale du Tarn-et-Garonne au préfet de Freycinet[1]. » Le soir même, la préfecture de Montauban est entourée par des groupes de populaire ; les meneurs, introduits près de M. de Freycinet, exigent « la révocation en masse des municipalités du département et la création d’une commission préfectorale dominant le préfet. » Comme le préfet continue à refuser, ils réclament sa démission immédiate, déclarant que, s’ils ne l’obtiennent pas, la foule mettra la préfecture à sac. M. de Freycinet ne veut ni être le prétexte de violences qui pourraient ne pas s’arrêter là, ni commencer son administration par une guerre ouverte contre les amis publics du nouveau régime. Il demande au gouvernement un successeur. Le gouvernement, pour ne pas retomber dans les mêmes embarras, choisit un candidat fait pour plaire, non à la grande majorité des administrés qui se tait, mais à l’infime minorité qui s’agite : il nomme Flamens, un ami de Clemenceau et de Lissagaray[2].

Dans le Gers, les conservateurs, disciplinés par l’influence de Cassagnac, ont aimé l’autorité jusqu’à la dictature, préféré le régime du 2 décembre à celui du 19 janvier ; et, par réaction, les partisans d’un autre gouvernement ont été poussés vers la démagogie. Mais elle n’a de chefs qu’à Auch, et, même à Auch, n’a pas de troupes, car ils se sont présentés seulement comme des

  1. Id., p. 1003.
  2. Id., p. 1378 à 1379.