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donner le branle, une énergie venue du dehors. Le journal libéral du Lot a pour rédacteur un homme étranger au pays, Esmenard du Mazet : c’est lui qui provoque un attroupement, le conduit à la préfecture, somme le préfet de remettre ses pouvoirs. Mais à peine s’est-il déclaré préfet lui-même, la force au nom de laquelle il commande se dissout. Le journal qu’il dirige, appartient à M. Calmon, ancien serviteur et partisan fidèle de la monarchie parlementaire ; les républicains craignent d’avoir, en suivant Esmenard, servi les orléanistes ; pour les ambitieux de l’un et de l’autre parti, Esmenard est étranger, donc intrus. Une réaction que les bonapartistes favorisent se produit en faveur de l’ancien préfet, le vicomte de Jessaint. Celui-ci s’abandonne en philosophe aux Ilots contraires qui, suivant l’heure, le portent et le déposent, et enfin l’abandonnent. Esmenard reste : court triomphe ! Les amis de Gambetta pressent le ministre de choisir un préfet parmi ses concitoyens, et se proposent eux-mêmes. Après six jours de débats entre les influences, Esmenard doit céder la place, le maire de la ville devient l’administrateur du département, « aux acclamations chaleureuses » d’une population qui, par son assentiment successif à tout, prouve son indifférence[1].

Au sud du Lot, commence la contrée sur laquelle Toulouse domine. Une influence d’agitation plus bruyante s’étend de cette capitale à ses villes satellites. Montauban compte un petit nombre de républicains perdus dans une population qui, le 12 août, a composé de conservateurs son conseil municipal. Mais ces républicains, poussés par la contradiction à exagérer leurs doctrines, remuent à leur gré quelque lie populaire. Dès le 4 septembre au soir, les principaux d’entre eux se présentent au conseil municipal comme « commission municipale, » et demandent à s’adjoindre à lui « pour maintenir l’ordre dans la ville. » Le conseil accepte. Mais le lendemain, sous prétexte de nouvelles manifestations qu’ils favorisent, ils déclarent qu’ils ne peuvent partager le pouvoir avec les complices de l’Empire : le conseil, après un court conflit, prend peur et disparaît devant eux. Ils agissent de même avec le préfet, s’imposent à lui sous le nom de « commission départementale. » et, dès qu’il les a acceptés, le supplantent. Ils sont maîtres quand la préfecture est confiée par

  1. Id., p. 1133 à 1136.