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nombreux pour devenir un embarras[1]. A Mont-de-Marsan, à Agen, les chefs de la démocratie ont moins d’importance encore ; et le gouvernement, sans qu’il paraisse les exclure et qu’il risque de se les aliéner, ne songe à aucun d’eux pour administrer le pays. Il envoie comme préfets à Mont-de-Marsan un professeur de Versailles, à Agen un avocat de Paris : ils remplacent sans obstacle les préfets impériaux, qui sont restés en place jusqu’au 8 septembre sans opposition[2]. Dans le Tarn et l’Aveyron, nord montagneux du Midi, le calme descendu des hauteurs s’étend jusqu’à Decazeville et à Carmaux : on accueille en silence deux avocats parisiens : Audry nommé à Rodez[3]et Frédéric Thomas à Albi[4]. Le Lot demeurerait dans la nonchalance de sa douceur tranquille, si à Cahors n’était né Gambetta. L’étudiant attardé du quartier Latin a longtemps été jugé par ses compatriotes sur la modestie de son origine, sur la vulgarité de ses allures : sa faconde ne suffisait pas à lui faire honneur dans une contrée où, plus que l’eau, la parole coule de source. Mais l’éclat soudain d’une éloquence qui s’était en quelques mois imposée aux magistrats, aux électeurs, aux députés, avait appris le grand homme à sa province. Lui ministre, quelque zèle de ses compatriotes en faveur de la République devenait pour eux sans péril, non sans profit, et Cahors avait un conseil municipal d’hommes modérés, mais qui, élus contre la liste officielle, devaient à cette petite guerre un petit air d’opposition. Malgré toutes ces opportunités d’agir, il faut pour

  1. Le Préfet impérial écrit le 7 septembre, de Pau : « Le département est tranquille, l’ordre n’y a été troublé nulle part. L’opinion publique préoccupée avant tout de la défense nationale. Le Masson. » Le Préfet républicain écrit, le 8 : « . Tout est calme… Nogué. » Id., 1251.
  2. Des Landes, le Préfet impérial de Pebeyre mande, le 7 septembre : « L’ordre règne dans mon département ; » et le 10, le Préfet républicain : « République proclamée. Population calme et confiante… Hippolyte Maze. » 1085. Du Lot-et-Garonne, le Préfet impérial écrit, le 7 : « Le département comprend la gravité des circonstances, il est calme et résolu… Baron de Montour ; » et le 13, le Préfet républicain : « Tout va et ira bien… Audry. » Id., 1139.
  3. Le Préfet impérial mande, le 7 septembre : « La situation de l’Aveyron ne laisse rien à désirer au point de vue de l’ordre public… Nau de Beauregard. » Le 8, le Préfet républicain : « Impossible de consolider la République et d’organiser le gouvernement de défense nationale, sans pleins pouvoirs aux préfets pour dissoudre les conseils municipaux, destituer les municipalités et les juges de paix. Oustry. » Id., 801.
  4. D’Albi, le Préfet impérial télégraphie, le 6 septembre : « < Aucun incident à signaler… l’ordre règne. Loire. » Le 8, le Préfet républicain : « Confiance grandit. République plus sympathique chaque jour. Frédéric Thomas. » Id., 1372.