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qu’elle cultive, et habite des métairies éparses à travers les campagnes. Le souci de se rapprocher pour se défendre ne préoccupe pas les habitans de la région qui, en France, a été le moins envahie. Entre Bordeaux et Toulouse, les villes importantes ne dépassent guère trente mille habitans et sont peu nombreuses. Dans le versant oriental, les hautes bornes des Cévennes et des Pyrénées s’abaissent et disparaissent : vide de ces obstacles, il s’élargit, des plaines où se hâte le Rhône aux grèves où dort la Méditerranée, et se termine aux pieds des Alpes qui le séparent de l’Italie. Entre les inépuisables réservoirs des glaciers et de la mer, il manque d’eau. Celle que la chaleur de son soleil évapore de la mer et suspend dans les nuages est d’ordinaire emportée au loin ; les torrens qui des Alpes tombent dans des lits tour à tour trop étroits et trop larges, s’écoulent tout d’un coup, et les inondations ne sont pas un remède à la sécheresse. Bien que les profondeurs du sol gardent une humidité cachée, la surface de la terre se crevasse et poudroie sous les brûlures du soleil. Rares sont les sources, rares les campagnes où la population puisse vivre dispersée. Les cultivateurs le plus souvent n’habitent pas sur les terres qu’ils exploitent, ils s’y rendent pour le travail, mais ont leur demeure où l’eau, non moins nécessaire que le pain, est, soit offerte par la nature, soit captée. Plus elle est rare, plus autour d’elle les groupes sont denses ; les paysans eux-mêmes vivent réunis, non par villages, mais par petites cités. Cet intérêt eût suffi à accroître la population et à réduire le nombre de ces centres[1]. L’histoire aussi

  1. Ces différences ont été constatées dans l’Enquête sur les conditions de l’habitation en France, les maisons-types, avec une introduction de M. Alfred de Foville. Ministère de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes. Paris, Ernest Leroux, 1894, t. I.
    Les maisons-types dans le département du Lot (notice de M. Petit, premier commis des Contributions directes, à Cahors).
    « Les habitations, généralement construites au centre de l’exploitation, sont très disséminées dans la plaine ; dans la montagne, au contraire, elles sont groupées en villages et hameaux, séparés quelquefois les uns des autres par des distances considérables. » (p. 288)
    Les maisons types dans le département de Tarn-et-Garonne (notice de M. Huvier, inspecteur des Contributions directes à Montauban.)
    « Les agglomérations importantes sont assez rares, sauf les vingt chefs-lieux de canton et 1RS trois chefs-lieux d’arrondissement. Autrefois, les habitations se groupaient en hameaux dans certaines régions : on peut dire que, aujourd’hui, la tendance inverse domine ; beaucoup de ces hameaux sont presque abandonnés, les maisons y tombent en ruines et on construit plus loin, sur sa terre, au milieu de son bien, si cela est possible. » (p. 282)
    Les maisons-types dans la région de Carcassonne (notice de M. Pullé, membre de la Société des Arts et Sciences de Carcassonne).
    Les habitations « se serraient autrefois les unes contre les autres et formaient des agglomérations établies à l’origine autour du château seigneurial dont elles dépendaient. Ainsi se formaient les villages éloignés les uns des autres, isolés en hiver par suite de la chute des neiges, de sorte que les habitans étaient enclins à se rapprocher, à se condenser pour se prêter mutuellement un secours qu’ils n’auraient pu aller chercher au loin. »
    « Aujourd’hui, la création des routes amène les habitans à se déplacer. Ces maisons ne sont plus accolées. » (p. 255)
    Les maisons-types du Var (lettre de M. Martre, directeur des Contributions directes).
    « Dans le Var, les chefs-lieux de communes tiennent plutôt de la ville que du village proprement dit. Les maisons ont plusieurs étages… dans les hameaux, les habitations n’ont généralement qu’un étage. »
    « Les constructions rurales très spacieuses ne sont pas en grand nombre dans le Var, où les cultivateurs habitent peu la campagne et rentrent volontiers dans les villages après leurs travaux. C’est ce qui rend les communes si populeuses. » (p. 258)
    Les maisons-types de l’arrondissement de Toulon (notice de M. Jolliet, contrôleur principal des Contributions directes à Toulon).
    « Bien que la région dont je me suis occupé soit peu étendue, le terrain y est tellement tourmenté que rien n’y est uniforme, et il est bien difficile de dire si les maisons tendent à se serrer les unes contre les autres ou si elles sont plus ou moins dispersées. Dans les communes du nord et du nord-est, les villages sont échelonnés le long du ruisseau du Capeau, et il n’y a que très peu d’habitations éparses. Tous les habitans restent fixés au village et vont de là, chaque jour, travailler leurs terrains.
    « Dans les communes un peu plus en plaine, celles du midi et de l’ouest, les maisons éparses sont beaucoup plus nombreuses. » (p. 251)